Visitant maintenant Brest et son port militaire bien apaisé, il nous est difficile d'imaginer que ce site fut aussi un bagne où séjourna un nombre impressionnant de forçats. Nous souhaitons aussi vous faire découvrir cette page difficile de l'histoire de Brest.
Il nous est toujours difficile d'imaginer la population de bagnards ayant vécu dans ce type de lieux.
Pour le bagne de Brest, le nombre moyen de forçats s'élève à 2939. Il fluctue entre 2886 pour l'année 1847 et 3005 pour l'année 1851.
Entre 1800 et 1850, le nombre moyen des bagnards de Métropole s'élève à 8.300 individus en moyenne.
Pour les années 1845, 1846 et 1847, une étude statistique concernant les origines de cette population donne 32 % de condamnés venant de zones urbaines et 60 % des campagnes; le solde est une population d'origine étrangère dont les pays d'origine ne sont pas détaillés.
Le bagne accueille des prisonniers de tous âges. La population classée par âge et pour les années précédemment citées donne:
- de 16 à 20 ans: 2 %
- de 21 à 30 ans: 28 %
- de 31 à 40 ans: 32 %
- de 41 à 50 ans: 24 %
- de 51 à 60 ans: 10 %
- de 61 à 69 ans: 4 %
Nous pouvons noter une diminution importante des populations après 40 et surtout après 50 ans. Soit le bagnard a fait son temps, soit il est mort.
Ces forçats sont un reflet de la société avec une majorité d'analphabètes dont 55% ne sait ni lire, ni écrire et 36% un peu lire et un peu écrire; 8% savent bien lire et écrire. Le solde - 1% - à suivi des études supérieures.
Ces chiffres sont ceux de la population française de l'époque qui, dans sa grande majorité, n'est que peu scolarisée.
La société de l'époque est très hiérarchisée. Toutes les classes de la société - ou presque - ont quelques représentants séjournant au bagne.
Pour l'année 1848, la population des bagnes - Guyane et colonies non comptées - s'élève à 8156.
Nous y trouvons:
Parmi les classes aisées:
- 49 propriétaires - 8 chirurgiens, médecins, officiers de santé - 7 religieux - 6 notaires - 5 hommes de loi - 4 fonctionnaires publics - 2 hommes de lettres - 2 rentiers.
Parmi les classes moyennes:
- 67 vétérinaires et maréchaux-ferrants - 62 commis, employés, écrivains - 38 horlogers et mécaniciens - 37 instituteurs et maîtres d'école - 36 imprimeurs - 33 bijoutiers, joalliers, orfèvres - 30 fabricants - 13 négociants - 7 géomètres, opticiens - 3 comédiens - 3 pharmaciens, droguistes et herboristes.
Parmi la classe pauvre:
7744 ouvriers, artisans, marchands, salariés et états divers.
Être condamné au bagne ne nécessite pas toujours de grands méfaits ; les grands méfaits sont condamnés à la guillotine. Tout citoyen peut se retrouver à la chiourme pour peu de choses, ou pour beaucoup. Les opposants politiques sont expédiés à Nouméa ou Cayenne, et nous pourrons remarquer leur faible nombre. La majorité des bagnards sont des voleurs de tous niveaux ; faim et misère poussent souvent au vol.
Voici les raisons de la condamnation pour 7856 forçats des bagnes de métropole - année 1847.
Vol: 4928 - Meurtres: 982 - Viol, attentat à la pudeur avec violence: 420 - Incendie: 213 - Faux: 194 - Assassinats: 180 - Coups et blessures graves: 168 - Faux-monnayeurs: 127 - Empoisonnements: 68 - Association de malfaiteurs: 38 - Parricides: 26 - Crimes commis par des fonctionnaires publics: 23 - Vente d'effets militaires: 10 - Banqueroutes frauduleuses: 17 - Bigamie: 2 - Crimes politiques: 14 - Désertion après grâce: 16 - Extortion de titres: 15 - Faux témoignages: 12 - Menaces par écrit: 4 - Pillage en bande: 12 - Rebellion: 8 - Ayant commis plusieurs crimes sus-mentionnés: 379
Nous y remarquerons une écrasante majorité de voleurs.
À titre informatif: Vers 1860, dans le Morbihan, un enfant de 12 ans, multi-récidiviste de la fugue du domicile familial, fut condamné pour vol à la maison de correction jusqu'à l'âge de ses 21 ans. N'ayant pas mangé depuis plusieurs jours, il avait volé quelques bonbons dans une foire.
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