Après l'extermination d'une bonne partie des juifs de la ville les 27 et 28 octobre 1941, Heinrich Karl, commissaire régional allemand, s'est occupé de faire reprendre le travail dans les ateliers et entreprises de la ville. De nombreux juifs y travaillant ayant été victimes du carnage germano-lituanien, de nouveaux habitants de religion hébraïque furent réquisitionnés pour y travailler sur des rythmes infernaux.
Cela correspondant plus aux besoins allemands, ils décidèrent de réaliser un autre ghetto, plus adapté à leurs besoins. Il était situé quartier dit de Shkolišča, aujourd'hui rue P. Kommuny, au niveau de l'école secondaire n° 6 et de la partie nord de la rue Monakhova. Plusieurs rangées de barbelés entouraient le ghetto, environ 400 maisons. Le transfert se fit bien sûr dans la violence: les allemands et leurs spadassins lituaniens ou autres ukrainiens bandérites, massacrèrent ou fusillèrent plusieurs centaines d'infirmes ; très souvent avec une cruauté sans limites.
Le ghetto était sévèrement gardé et toute entorse aux règles - pour beaucoup au bon vouloir du garde, signifiait la mort.
Les allemands n'assouplirent pas non plus leur politique vis-à-vis des habitants. Après leur harassante journée de labeur, les prisonniers devaient affronter l'heure sanglante ; douce et cruelle réjouissance inventée par les allemands et leurs copains pour égayer leurs fins de journées.
Les hommes versés dans cet esclavage sans humanité, étaient alignés en colonnes près de la banque dans la rue Uritsky - aujourd'hui Kopylskaya et dirigés au pas de course sous les fouets, coups et morsures de chiens vers la rue Volodarsky - aujourd'hui M. Bogdanovich. En ces lieux, ils ont dégagé le site et y construiront plusieurs bâtiments, en bois ou pierre et toujours existants pour certains d'entre eux ; par pure cruaué et vilenie, les juifs furent forcés d'utiliser les pierres tombales de leur cimetière pour établir les fondations de ces bâtiments.
1943 avait été fixé comme dernière année pour résoudre le problème juif. Édouard Strauch, chef du SD de Biélorussie, signe, le 5 février 1943, le décret stipulant la réinstallation des juifs de Sloutsk - bel euphémisme allemand signifiant extermination des populations concernées. Le massacre à venir est planifié et, avec fierté, les officiers concernés sont nommés et leurs domaines de compétences signifiés: cartouches, nourriture, spoliation des biens, sécurité, etc...
Des armes et munitions russes seront utilisées ; cela permettra d'accuser les soviétiques et économise les munitions allemandes.
Deux fosses ont été préparées pour ce faire ; elles sont localisées à Mokharty, près du village toujours existant de Véséya - 53.065861, 27.681885. Chaque fosse est gérée par 10 hommes, dont un officier ; une rotation toutes les deux heures est prévue pour que les bourreaux puissent se reposer.
À 11h30, le 7 février 1943, le Sonderkommando allemand se met en branle vers sa sinistre besogne. Arrivé sur place, de 6 heures à 2 heures du matin, on s'organise et répartit les forces.
Le 8 février à 4 heures, un lundi, branle-bas de combat germano-lituanien: lever à 4h00, formation à 4h30, début de l'opération à 5h00 et, comme l'écrit le Hauptsturmführer Wilcke, joyeux participant à ce massacre inhumain: Un très bon début. 1.300 Juifs sont expulsés et on dit qu’il y en a 3.100.
Comme le dira plus tard Луиза Сацук-Большакова, Louise Satsuk-Bolshakova, habitant Sloutsk lors de ces exterminations:
- " Des cris terribles, des rugissements de moteurs, des coups de feu étaient entendus dans la direction de la rue Kopylskaya ; cela a duré toute la journée.Le ciel était éclairé par une immense lueur et l’odeur des corps humains brûlés remplissait l’air. "
Les allemands et leurs sbires lituaniens ou ukrainiens s'attendaient à une rapide opération de routine, ils trouvèrent des prisonniers organisés, ayant préparé des caches et prêts à résister. Vers midi, les allemands décidèrent de brûler le ghetto au lance-flammes et torches incendiaires. Très vite le ghetto devient un immense brasier. Ceux qui tentent de fuir sont abattus ; certains se suicident pour échapper à une horrible mort ; beaucoup meurent brûlés vifs sous l'hilarité de bien des bourreaux...
Il existe quelques témoignages de cette horrible extermination allemande. Citons encore Луиза Сацук-Большакова, Louise Satsuk-Bolshakova, témoin des massacres. Elle raconte:
- " Le matin du 9 février, mon frère et moi avons couru vers Kopylskaya pour voir ce qui se passait dans le ghetto. Une image terrifiante s’ouvrait devant nous. Sur les barbelés clôturant le ghetto, nous voyions pendre des grappes de corps humains brûlés. Les malheureux ont apparemment tenté d'échapper à l'incendie, ont tenté de franchir la clôture, mais ils ont été achevés et les cadavres ont été carbonisés par les maisons en feu à proximité. "
Le ghetto brûlera trois longs jours.
L'incendie enfin éteint, les allemands exigeront que la place soit nettoyée et imposeront que les restes humains soient collectés et jetés à la décharge publique municipale de Seloki. Au printemps, pour dissimuler les traces de leurs horreurs, ils exigeront ultérieurement que ces restes soient enterrés ; les prisonniers chargés de cette mission - probablement soviétiques, seront ensuite liquidés.
Le ghetto fut prévenu par les résistants de Sloutsk que quelque chose de terrible se préparait contre eux ; seuls, une douzaine de prisonniers arriveront à s'échapper...
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