Autrefois,
Il y a bien longtemps,
C'était hier...
Enfin, nous étions quand même au XIX° siècle, ou avant...
Nous savons seulement qu'il n'y avait pas encore d'école à Éourres !
Les habitants d'Éourres se voyaient gratifiés d'une stupidité hors norme par leurs voisins des communes environnantes ; comme on oublie souvent de balayer devant sa porte, c'était bien sûr à qui serait le plus brillant pour les moquer.
La renommée d'Éourres en la matière remonta au plus haut niveau ; elle remonta jusqu'à Paris où un grand fonctionnaire parisien - il faisait 1.95 mètre, intrigué par cette commune et cette étonnante renommée demanda au maire d'Éourres de l'informer sur le nombre d'aliénés habitant le territoire communal.
Monsieur le Maire s'en trouva fort embarrassé car, s'il connaissait le nombre des habitants, de bien braves gens, il ne connaissait non seulement pas le nombre d'aliénés mais ne savait même pas ce que ce mot signifiait. Il se précipita alors chez le maire-adjoint pour lui demander précision mais, le maire-adjoint, un bien brave garçon, fut lui aussi totalement incapable de renseigner son maire sur ce mot bizarre et inconnu n'ayant aucun sens.
Il se précipitèrent de concert chez Monsieur le Curé et lui posèrent même question. Le curé, un saint homme lui aussi, se retrouva fort embarrassé car ce mot n'apparaissait pas dans son bréviaire, ni dans ses livres saints, fussent-ils en latin, grec ou occitan.
Ne sachant à quel saint se vouer et après mûre réflexion, nos trois compères décidèrent d'aller chez un notaire et firent expédition chez le notaire de Sisteron ; la ville étant plus grande que Salérans, le notaire ne pouvait qu'en avoir plus de vocabulaire et de culture. L'homme, ayant fait de très hautes et grandes études, pénétré d'idées nouvelles et de modernisme, de savoir qu'il exprimait dans un langage abscons de notaire agrémenté de belles phrases, après belle réflexion et vocabulaire adapté, leur fit comprendre qu'un aliéné était un homme qui assistait à la messe. Maire, Curé et Adjoint-maire furent pleinement satisfaits de la réponse et enfin connaissant le sens profond de ce mot hermétique, passèrent belle journée à Sisteron, et bonne digestion après copieux repas au restaurant du coin.
De retour à Éourres, le dimanche suivant, ils postèrent un enfant de la commune près de la porte de l'Église en lui demandant de noter sur un bloc-note le nombre d'aliénés rentant dans l'Église pour la messe dominicale.
L'enfant, fils du Maire, accomplit sa charge avec rigueur et confia le résultat à son père qui s'empressa de répondre à ce grand fonctionnaire parisien. l'histoire a conservé précisement ce texte ; nous vous le retranscrivons donc en l'état:
Monsieur le Haut Fonctionnaire,
J'ai l'honneur de vous faire parvenir l'information que vous m'avez demandé et vous confirmer qu'il y a dans la commune d'Éourres, soixante-dix-sept aliénés, y compris le Maire et le Maire-Adjoint.
En vous priant d'agréer, Monsieur...
Les habitants d'Éourres ont fait bien des progrès en vocabulaire depuis cette époque lointaine et, s'il est à déplorer de voir l'Église vidée et son curé envolé, il est un grand bonheur de voir l'école d'Éourres pleine de vie et d'enfants dont le nombre va croissant.
Nous espérons quand même que Madame le Maire ne nous gardera rigueur pour cette histoire !
