Lorient

Légende locale

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 Lorient: la chapelle Saint Christophe
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■ Les malandrins de St Christophe

À Lorient ou ailleurs, elle eut son heure de gloire et, lors des veillées, anima certainement les soirées.

Le conteur n'hésitait pas à se lancer dans des improvisations, il brodait, déformait, virevoletait au gré de son imagination pour créer un spectacle unique.

Assis près de la cheminée, jetant des herbes au feu, il faisait naître des flammes colorées et parfumées ; créant son et lumières d'antan, il y rajoutait les parfums.

Passant à Lorient, vous vous souviendrez peut-être de cette légende.


Lorient

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  • FrançaisLorient
  • BrezhonegAn Oriant
    ( Breton )
  • Population58 100
    GentiléLorientais
  • Superficie17,48 km²
  • Densité3323.8 /km²
  • Latitude47° 45 '54" N°
    Longitude3° 22 '58" W°
  • Latitude47.748452°
    Longitude-3.366182°


Rue Bric et Brac

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Lorient: Le bassin à flots en 1920

 ⌘ Malandrins, trousse-goussets et autres contrebandiers à la rescousse de Saint Christophe

À l'époque, la télévision n'était pas le centre du foyer.

Autrefois...
Il y a bien longtemps...
Le pont de Saint Christophe n'était pas encore construit...
Traverser le Scorff imposait le paiement d'un octroi sur les hommes et marchandises...

Pour venir d'Hennebont à Lorient, il fallait prendre un bac pour traverser le Scorff et surtout ne pas gêner la manœuvre car les nautoniers n'étaient pas toujours aimables ; à leur décharge, la traversée n'était pas sans périls.

Les cavaliers devaient redoubler de prudence et apaiser leur monture. Les cochers se devaient de calmer leur attelage ; certains, mêmes, cachaient la vue de leur chevaux tant cette traversée était effrayante pour les animaux.

Parfois, ne sachant nager et voyant le bac dériver avec le flux, les voyageurs se signaient et invoquaient Saint Christophe...

- "Saint Christophe, protège ton humble serviteur des périls de la traversée..."

- "Saint Christophe, si tu me conduis sain et sauf de l'autre côté du Scorff, je brûlerai des cierges..."

- "Saint Christophe, si tu me sauves, je promets de ne plus aller à la taverne pendant..."

Certaines promesses sont plus difficiles à tenir que d'autres et, devant la tentation, l'humain est bien faible. Après de tels périls, un bon coup de Lambig - l'eau-de-vie en Bretagne - requinquait le voyageur ; la taverne faisait fortune...

En ces temps lointains, Lorient parlait toutes les langues et des marins du monde entier passaient à Lorient. Certains avaient navigué sur tous les océans, avaient passé le Horn et vu des fuégiens. D'autres, contournant l'Afrique, avaient navigué jusqu'en mer de Chine et s'étaient battus contre les pirates, ou avec les pirates. Lorient était alors pleine de balafrés, de traîneurs de sabres, d'individus de sac et de corde, de marins un peu pirates et de pirates un peu marins, venant dont ne sait ou attendant un embarquement pour aller Dieu ne sait où...
Peut-être le Diable...
Et encore !

Tout ce joli petit monde d'aventuriers de toutes provenances vivait aux pieds de la chapelle Saint Christophe et celui-ci avait fort à faire pour surveiller les turbulentes brebis dont le Bon Dieu l'avait chargé.

Pour l'aider dans son travail, un artiste charitable, une âme bien pieuse, choisissant les arbres les plus imposants du Kemenet Heboé, l'avait sculpté avec minutie. Pour pouvoir le rendre gigantesque et éviter qu'il ne s'écroule sous son propre poids, l'artiste, connaissant bien son affaire, en avait totalement évidé le corps. Saint Christophe était bien beau, Saint Christophe était bien fort.

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Lorient: Saint Christophe

Gigantesque, il en imposait à ses paroissiens. Le regard terrible dont l'avait gratifié le sculpteur pesait lourdement sur tous les fidèles dont il avait charge d'âme. Pour lui donner plus d'aisance dans son travail, le faire voir de tous et l'aider à surveiller ses ouailles avec facilité, il fut décidé de le laisser à l'extérieur de la chapelle. Lui ainsi présent, toute la turbulente paroisse de Ker an Trec'h, Kerentrec'h, ne pouvait que s'épanouir paisiblement à son ombre protectrice...

Le temps use malheureusement les plus solides et Saint Christophe, tout de chêne qu'il fût, vivant dehors à longueur d'années, exposé aux vents, aux pluies et aux gels, finit par souffrir des maux liés à l'âge ; son ancienne vigueur disparaissait ; Saint Christophe était vermoulu ; Saint Christophe avait des vers...

Aucun traitement, vermifuge ou autre potion scientifiquement dosée par l'apothicaire du coin n'en venant à bout, les vers le rongeant, Saint Christophe après tant de bons et loyaux services risquait de perdre un bras menaçant qu'il avait encore bien lourd.

Pour éviter un quelconque malheur aux bons paroissiens devenus si paisibles grâce aux bonnes œuvres de ce saint exemplaire, il fut décidé en haut lieu de détruire la statue par le feu. Le décret signé, les autorités, désirant passer à l'action, virent s'élever une rude opposition de la part des paroissiens. Les plus virulents n'étant pas les plus honnêtes, l'étonnement fut grand et très vite le mouvement prit de l'ampleur. Qui ramenant des amis, pas toujours très fréquentables ; qui ramenant des connaissances, souvent peu reluisantes, la foule des opposants grossissait et mettait les autorités dans l'embarras...

Très vite, certains crièrent au miracle. La cure en parlant à l'évêque, celui-çi en parlant à ses supérieurs, cela arriva jusqu'aux oreilles du pape... Saint Christophe protégeait déjà les voyageurs ; maintenant il développait aussi la foi chez les mauvais éléments ; Rome en perdait son latin. Le Roi même, en son for intérieur, se dit qu'il aimerait bien d'autres Saint Christophe pour surveiller et calmer des sujets souvent bien dissipés...

Les mois passèrent, les choses traînèrent. Le bras se faisant plus menaçant que jamais, les autorités, ne pouvant plus reculer l'échéance, décidèrent, envoyant la maréchaussée par surprise, de passer à l'action malgré l'opposition.

Le cordon de sécurité réalisé, le bourreau désigné craqua son allumette pour entreprendre son œuvre impie.

Saint Christophe sentit les flammes lui grimper le long des jambes et se mit à brûler. Ses plus fidèles partisans pleuraient, d'autres huaient la maréchaussée, certains cherchèrent la bagarre ; les pandores restèrent de marbre.

Le Saint, consumé de bout en bout, apaisa enfin les flammes de la discorde. Sa disparition laissait néanmoins une sourde et indigeste douleur à de nombreux spectateurs...

Certains gendarmes, lors de leur compte-rendu, signalèrent quand même qu'ils furent étonnés de voir le bois se consumer avec une fumée d'un bleu rappelant l'herbe à Nicot ; d'autres avaient remarqué que l'odeur leur rappelait ce tabac qu'ils fumaient dans leurs grosses pipes et confirmèrent ce fait. Certains s'étonnèrent des explosions sourdes qu'ils entendirent provenir du corps du Saint et avaient vu des flots de liquide enflammé sortir de ses entrailles. Personne ne prêta attention aux nombreux cercles de barriques traînant dans les cendres ; ils disparurent d'ailleurs bien vite...

Tout le monde souhaitant l'apaisement, aucune enquête ne fut diligentée et ce n'est que bien plus tard, l'octroi ayant été supprimé, le Roi changé pour un Président, que l'on apprit publiquement ce que bien des familles gardaient dans leurs secrets...

Pendant toute sa longue existence, Saint Christophe, le bon bougre, sans doute pour garder les bonnes grâces de ses chers agneaux et favoriser leur dévotion, prêtait courtoisement son ventre creux aux contrebandiers de la région. La nuit, bénéficiant de la bienveillance de leur Saint Protecteur et de l'absence des gabelous, ils lui remplissaient les entrailles de ballots de tabac, de barriques d'alcool et de toutes ces marchandises qui, pour sortir ou rentrer à Lorient, étaient imposées à l'octroi.

Certaines méchantes langues racontent parfois que le bon Saint se faisait payer en cierges. En exemple, ils citent toujours une certaine Marie Daoudoull - les bretonnants comprendront le sens de ce sobriquet, qui venait tous les jours allumer un cierge, embrassait longuement les pieds de la statue et repartait toujours en titubant...
D'autres racontent même, qu'en ces temps reculés, croire en Saint Christophe donnait la cirrhose...
Mais cela n'est qu'histoire et langage de méchantes gens...


Source: Mémoires de Famille - K. Le Bellec - Textes déposés - Tous droits réservés pour tous pays