■ Disputes à Trézilidé
En Bretagne, comme en France, la guerre politique religieuse est déclarée. Trézilidé n'échappa à cette guerre voyant s'affronter laïcards et calotins.
Les biens de l'Église se voyant confisqués par l'État - bien qu'ils fussent payés par les fidèles, nombreuses oppositions naquirent. Elles furent parfois violentes, toujours fermes oppositions populaires parfois réprimés vigoureusement par les gendarmes ou la troupe. La mairie de Trézilidé ayant surévalué le presbytère vit colère du Recteur, l’abbé Jules Havas, monté en chaire dénonça vigoureusement les faits en attaquant le maire et conseil municipal ; mal lui en prit !
Tous au Tribunal, l'affaire se dégonfla et chacun, mettant de l'eau dans son vin, rentra chez soi quand le Tribunal se déclara incompétent.
Nous étions à Trézilidé le 2 février 1912 !
Le tribunal correctionnel de Brest vient de s’occuper d’une affaire qui constitue l’un des multiples épisodes de la guerre religieuse en Bretagne depuis la séparation des Églises et de l’État.
L’abbé Jules Havas, recteur de Trézilidé, était poursuivi devant lui pour avoir injurié et menacé, du haut de la chaire, le maire, l’adjoint et les conseillers municipaux de cette commune, qui fait partie de l’arrondissement de Morlaix. Il avait d'abord été poursuivi devant le tribunal de cette ville, mais comme au cours de l’instruction tous les juges avaient connu de l’affaire, celle-ci fut renvoyée à Brest.
En mars dernier, le presbytère allait être mis en vente sur une évaluation de douze cents francs. L’abbé Havas fît faire de son côté une contre évaluation qui se monta à huit cent vingt-deux francs seize centimes. Mais le Conseil municipal tint bon, et l’abbé Havas, le dimanche suivant, se plaçant au pied de l’autel, pendant la messe, déclara que le maire, l’adjoint et tous les conseillers municipaux étaient frappés d’excommunication. Il ajouta que la foudre détruirait tous leurs biens. Ensuite le recteur essaya de faire signer une pétition par tous les fermiers et cultivateurs de la commune, ajoutant que ceux qui ne signeraient pas seraient chassés de leurs fermes. M. Desroff, conseiller municipal, fermier, a versé à l'instruction une lettre de M. de Tonquedec, son propriétaire, dans laquelle il lui est dit :
- J’apprends que vous faites de la politique et de la mauvaise politique. Vous êtes en retard pour votre fermage. Je sais ce qui me reste à faire.
Un autre conseiller municipal, qui est, lui, propriétaire, M. Laurent Moal, voulut se confesser pour faire ses Pâques.
- Avant que je te confesse, lui dit l’abbé Havas, il faudra que tu signes pour me donner le presbytère.
M. Moal s’en fut trouver le curé de Plouzevédé, M. Le Bail, qui ne lui cacha pas que l’abbé Havas n’avait pas le droit d’agir ainsi. M. Moal retourna aussitôt vers l’abbé pour se confesser, mais dès que le curé l’aperçut, il lui tourna le dos.
M. Argouac'h, un autre conseiller municipal, est débitant. Il a déclaré que le curé avait dit en chaire que son café était un antre d’enfer.
— Et pourquoi ? a demandé le président Massot.
— Parce que j’avais tenu un soir mon débit ouvert après l’heure. Le curé, pour ce motif, m’a fait dresser un procès-verbal.
Le plus curieux, c’est la façon dont cette affaire a été connue.
Un beau jour, tout le conseil municipal de Trézilidé envoya sa démission au sous-préfet de Morlaix sans la motiver. Le sous-préfet fit faire alors une enquête. Lorsqu’il apprit les véritables motifs de cette démission collective, il n’hésita pas à faire engager les poursuites actuelles. À retenir cette déclaration du président Massot à l’audience :
— Je ne sais pas, Monsieur l’abbé, quel le sera la décision du tribunal, mais s’il est vrai qne vous avez fait peser la terreur sur la conscience de ces pauvres gens, je vous dis que le tribunal est unanime pour vous exprimer son indignation.
Cette épineuse affaire et guerre politique religieuse trouva heureux dénouement le 2 février 1912 quand le Tribunal Correctionnel de Brest acquitta l'Abbé Havas d'outrages au Maire et se déclara incompétent pour ceux adressés au Conseil Municipal.
Lors de l'audience, le Maire et les conseillers déclarèrent que le Recteur ne les avaient pas désignés mais avait simplement fait allusion aux ennemis de l'Église.