Autrefois,
Il y a bien longtemps,
C'était hier...
Les habitants de Saint-Disdier, tous les dimanches, montaient en procession pour assister à la messe dominicale en l'Église des Gicons, que nous connaissons aussi sous le nom de Mère Église.
Le rituel était toujours identique pour cette montée vers le lieu sacré.
Quand avait-il commencé ?
Personne ne le sait mais, tout le monde se rappelle que le lieu de regroupement était sur cette petite place où siège actuellement la mairie, vers la Ribière. Tous s'y retrouvaient le dimanche matin, de bonne heure et même parfois, en hiver, alors que la nuit couvrait encore la vallée.
En hiver, grimper, à la force du jarret jusqu'à
En été, la procession était bien plus agréable et tous les Saint-Disdiérois faisaient pique-nique, passant la journée près de Mère Église à chanter, à danser, à manger, à raconter des histoires ou ces contes qui émerveillaient les enfants, comme les plus grands quand le conteur avait le verbe. Le curé levait les manches et relâchait ses principes religieux pour, avec ses paroissiens, entamer quelques pas de danse et participer à ces Rigodons endiablés dont ses fidèles étaient friands. Les fidèles aimaient beaucoup leur curé, un sacré gaillard très proche de ses ouailles et qui n'hésitait pas à aller donner le coup de main quand les travaux des champs ou la garde des troupeaux le demandaient. Il n'hésitait pas non plus à régler ses différends à coups de poing si nécessaire ; le goupillon et les bonnes paroles étaient parfois plus digestes avec quelques coups de bâton disait-il...
Un fait émerveillait par contre toujours les paroissiens: sa barrette était dotée de pouvoirs surnaturels...
Chaque dimanche, avant la procession, le curé de Saint Disdier faisait un sermon sur la placette et déposait sa barrette sur le mur latéral pour éviter de la faire tomber par quelque geste lyrique. Il profitait de ce moment béni pour recaler les pendules, dire à l'un qu'il s'était mal comporté, ou à l'autre qu'il devait arrêter de lever le coude, sermonnant l'un, félicitant l'autre, et invitant chacun à faire mieux la semaine à venir. Le sermon terminé, tout le monde se mettait en branle, bannières au vent, et voyait notre brave curé systématiquement oublier sa barrette sur ce mur où il l'avait déposé. Parfois quelque enfant bien intentionné lui rappelait parfois cet oubli mais, alors, notre curé, brave homme, lui caressait les cheveux et, quelle que soit la saison, lui répondait qu'elle lui donnait chaud à la tête, qu'il préférait la laisser sur le mur et la retrouverait au retour...
Tout le monde en marche, derrière leur bon prêtre, se lançait donc à l'assaut de ce long chemin menant aux Gicons et à cette église qui enchante notre regard. La barrette restait seule sur son mur, en compagnie du bedaud qui se voulait toujours passer un petit coup de balais sur la placette...
Quelques bonnes heures de marche après, ayant fait quelques étapes à la buvette pour certains, et parfois pour d'autre une longue étape en ce lieu - le curé d'ailleurs ne crachant pas non plus sur cette pause qu'il qualifiat de bienvenue - tout notre beau monde se retrouvait aux Gicons et, après une pause à l'extérieur, rentraient dans la nef en compagnie des habitants des Gicons d'en-haut qui descendaient seuls vers Mère Église, comme des grands. Le miracle se produisait alors et nos braves paroissiens voyaient, brillant de tous les feux de son tissu noir, la barrette de notre curé siégeant haute et fière sur le bord de l'autel consacré...
Notre curé de Saint Disdier s'émerveillait toujours de ce miracle et le signalait bien haut et fort à ses paroissiens, les prenant à témoins, leur rappelant qu'il avait laissé sa barrette sur le mur et qu'il la retrouvait tous les dimanches sur le saint autel, cela témoignant sans discussion possible de la puissance de la Religion. Les paroissiens s'ébaudissaient en cœur, bien que quelques mauvaises langues et incrédules aient habitude de persifler en queue de peloton...