Per-Fañch ar Beleg - Pierre-François Le Bellec voit le jour le 28 juin 1897 à Koad ar C'hastell - Le Bois du Château alors ferme agréablement prospère. Un chemin mène aux corps de ferme situés sur une hauteur ; un verger sur votre droite, des labours sur votre gauche, face à vous, à quelques centaines de mètres, une longère aux portes ouvragées, un toit de chaume...
En ce lundi 28 juin, Marie-Amélie Jégo, âgée de 20 ans, vient de mettre son premier enfant au monde. Né à 4 heures du soir, le premier fils de Pierre-Marie, âgé de 30 ans, s'appellera Pierre-François-Alphonse. La naissance est attestée par Alphonse Trémoureux, chef armurier en retraite âgé de 60 ans, et Jean-Marie Le Loher, commerçant de Keryado âgé de 46 ans.Per-Fañch verra trois autres frères naître les années suivantes: Yann-Ujan - Jean-Eugène, René et Maurice. Les quatre garçons, comme tous les enfants de leur génération, travailleront tôt en aidant aux travaux agricoles ; ils suivront le cycle primaire jusqu'au certificat d'études puis, comme l'immense majorité des enfants de leur siècle, travailleront à plein temps à la ferme et négoce de leurs parents, qui voient produire pour avitailler la Marine et assurer belle production, négoce et exportation de ce célèbre Chou de Lorient qui fait le bonheur des gourmets allemands et est né du savoir-faire de Pierre-Marie le Bellec.
Les heureuses années passent vite, voila déjà la Grande Guerre qui frappe à la porte: Per-Fañch, comme ceux de la classe 1917, sera appelé un an avant ses vingt ans ; la guerre réclame victimes...
Nous passerons les 15 jours au 4° Dragons et le voyage à Commercy, casernement du 4° Dragons. Peut-être, pendant ces 15 jours, Per-Fañch participe-t-il aux exercices effectués par le régiment ; nous ne le savons pas. Il est simplement certitude, comme tous les appelés, que Per-Fañch fait ses classes qui durent 2 ou 3 mois comme pour la majorité des conscrits pendant la guerre ; cette période d'instruction était de 6 mois avant guerre. Sur une base de 3 mois, il passe donc aux Armées début décembre au plus tard et est cuirassier de 2° classe au 4° Cuir ; il y restera jusqu'au 16 janvier 1918 et sera de tous les combats du régiment devenu 4° Cuirassiers à Pied - 4° Cuirapied.
Au 31 octobre 1916, le 4° Cuir est à Cappy, le 2° bataillon part relever le 17° BCP à Biaches ; cette relève coûte 19 hommes, dont 6 morts, au bataillon. Les bombardements sont intenses. Ce mois de novembre, le régiment perd une centaine d'hommes, tué ou blessés.
Per-Fañch voit-il l'épreuve du feu en ce mois noir, Miz du - mois noir en breton, nous ne le savons pas ; le secteur de Biaches-Péronnes, recevra plus d'obus au mètre-carré que Verdun...
Pendant plus de 3 mois, le 4° Cuir montera en ligne au sud de la Somme entre Buscourt et Barleux, Biaches et cette Maisonnette voyant combats acharnés et sanglants. Le 12 novembre 1916, il est envoyé dans le secteur de Compiègne et monte à Quennevières et Puisaleine, sur Moulin-sous-Touvent. Rencontres, coups de main et bombardements alterneront avec journées calmes ; la Tranchée des Embusqués voit bombardements et attaques régulières. Grenades à fusils, torpilles s'échangent tous les jours ; chaque jours voit mort ou blessé.
Après s'être battu dans la Somme, il va aller combattre dans l'Oise et c'est le 7 mars que le régiment s'embarque pour Compiègne. Le 27 avril, le 4° Cuir embarque depuis Meaux pour Montgobert et Valesry.
Le 5 mai, au sein de la Division provisoire Brécart formée pour l'occasion et regroupant les 4°, 9° et 11° Cuirassiers, le 4° Cuir attaquera au nord du Moulin de Laffaux, bataillon Meillon (2°) en 1° ligne, suivi du 3° Bataillon, Huet, puis du 1°, Bataillon Ducrot.
Les cuirassiers sont massés dans la Tranchée du Fer et la Tranchée des Trous. S'élançant à l'attaque des la redoutable Tranchée des Rossignols, ils devront gravir à découvert le Glacis des Bertanlieux s'élevant doucement vers l'est sur 800 mètres, puis redescendre ce glacis sur même distance avant d'attaquer la rude pente dominant le village d'Allemant et sur laquelle était édifié le château de La Motte. C'est sur cette pente, devant le château que les allemands ont creusé la Tranchée des Rossignols. Un épais et double réseau de barbelés la protège. La garnison allemande y est protégée par des abris sous béton et ne subira aucune perte lors des bombardements préliminaires. derrière les Rossignols, la Tranchée allemande des Abris est construite à contre-pente ; parfaitement protégée des tirs français, elle est jalonnée d'ouvrages bétonnés. Sous le château de la Motte parfaitement défendu, des carrières voient les troupes allemandes bien à l'abri et prêtes à contre attaquer.
Le 5 mai, après plusieurs jours de préparation, le Bataillon Meillon s'élance à 4h45 du matin. Ils sont soutenus par 4 chars Saint Chamond dont un seul atteindra les lignes allemandes pour y tomber en panne ; c'est la 2° fois que l'Armée Française utilise le char, et c'est le baptême du feu pour le Saint Chamond.
Attaquant à découvert, sous un feu allemand des plus violents, le 4° Cuir emporte la Tranchée des Rossignols dans son élan. La Cote 171 est enlevée par l'Escadron Préval, 200 prisonniers sont envoyés à l'arrière, le reste de la garnison est massacrée, trois contre-attaques allemande y sont brisées. À la droite, les détachements Dorin et d'Arodes font 60 prisonniers et capturent 3 mitrailleuses ; la Tranchée des Abris est conquise, on nettoie les casemates allemandes à la grenade. Le Château de la Motte est enlevé à la baïonnette par le Bataillon Meillon, une compagnie y est capturée, les patrouilles atteignent même Allemant !
Les allemands contre attaquent et se défendent durement, bloquent tout ravitaillement, mitraillent le glacis, Meillon est tué d'une balle dans la tête. Les cuirassiers, à court de munitions, doivent reculer et retournent Tranchée des Abris. Au soir, un orage dantesque inonde le champ de bataille, les hommes s'immobilisent de part et d'autre. Le 6, l'attaque reprend, on se bat dans les caves du château, dans le parc. Un peloton du 5° Escadron est commandé par un simple 2° classe, tous ses cadres sont morts, les hommes chargent encore à la baïonnette. ils reprennent le château.
À 19 heures, ordre de repli est donné.
Le régiment recevra la Croix de Guerre avec Palme des mains du Général Pétain.
Per-Fañch ar Beleg - Pierre-François Le Bellec était l'un de ces cuirassiers.
Le 10 mai, les cuirassiers sont relevés. Dans quelques jours, ils partiront vers Coucy prendre part à la Bataille de l'Ailette...
Pendant 8 mois, après s'être reconstitué, le régiment tiendra position entre Fresnes-sous-Coucy et l'Ailette. Pendant toute cette période, l'hiver sera rigoureux, les combats, rencontres et bombardements seront multiples, journaliers. Les cuirassiers du 4° soutiendront aussi l'attaque de La Malmaison. Le 16 janvier 1918, le régiment est relevé et se rend à Montigny-Lengrain. Per-Fañch est muté au 5° Cuirassiers.
Le régiment est cantonné à Mailly-le-Camp pour une période d'instruction commune avec le 8° et 12° Cuirassiers ; cette période dure jusqu'au 18 mars.
Le 2 et 3 avril voient le 5° Cuirassiers dans la région de Morisel et Moreuil. Le 4 avril, le régiment est attaqué par les allemands ; le 5° tient ses lignes.
Per-Fañch fut muté ce 4 avril au 9° Cuirassiers qui, fin mars, du 23 au 28, s'est fait violemment étriller par une vigoureuse offensive allemande voyant contre-offensives françaises et anglaises. Le 9° a besoin de renforts, Per-Fañch en est.
Ce 4 avril 1918, le 9° Cuir cantonne au Camp des Plainards, en Forêt de Laigue pour l'État-Major et les 2° et 3° bataillons ; le 1° bataillon étant à Tracy-le-Mont ; c'est probablement en ce lieu que Per-Fañch, cuirassier de 2° classe, et les autres du renfort rejoignent le 9°. Le 5, le régiment fait mouvement ; il va stationner à Janville - EM et 3° Bat ; le 1° à Clairoix et le 2° a Longueil-Annel. Le régiment y cantonne jusqu'au 8 mai et se remet lentement de ses épreuves ; les hommes y font corvées et entraînements militaires.
Le 9 mai 1918, il relève le 4° Cuirassiers dans le sous-secteur de Le Plessier-de-Roye ; peut-être Per-Fañch y retrouve-t-il des camarades, ou apprend la mort de certains. La mort est si proche compagne que...
Quelques hommes sont blessés ; le secteur est calme.
17 mai 1918
Ce 17, au petit matin, le 9° Cuir, 1° bataillon, 2° et 9° Cies, aidé de quelques compagnies du 4°, a réalisé un coup de main à l'ouest de Lassigny. Sous un feu de mitrailleuses allemandes particulièrement violent, les hommes ont pénétré de 500 mètres dans les lignes ennemies. Les pertes sont sérieuses mais 32 prisonniers sont ramenées dans les lignes ainsi que du matériel et les renseignements recherchées sont trouvés. L'opération est un brillant succès comme l'indique Brécard, général commandant la 1° BCP et le lieutenant-colonel Calla, cdt le 9°.
9 tués, 32 blessés
Le régiment touchera la somme de 4.580 francs en récompense de ce coup de main.
Le régiment reste dans ce sous-secteur.
Le 4 juin, une prise d'armes est réalisée dans la cour du Château de Bellinglise à Élincourt-Sainte-Marguerite. L'on s'attend à une attaque allemande. Le 9 juin les allemands bombardent violemment les premières lignes tenues par les 4° et 11° Cuir. Elles sont écrasées. À 00h30, le 9° monte en ligne. Il a ordre de tenir la 2° ligne jusqu'au bout ; on ne reculeras pas...
9 juin, 5 heures
Précédés d'un feu roulant atteignant même le Château de Plessier, les allemands attaquent. Le 11° tient toujours son réduit, Parallèle des Chasseurs.
8 heures - Les allemands ont emporté la 1° ligne et sont sur la 2°: ils attaquent à la grenade, s'infiltrent partout, sont partout. On essaie de contre-attaquer...
En vain !