■ Fonctionnaire dévaliseur d'Église
Ambutrix, 16 août — Le dimanche 13 août, après-midi, raconte l'Éclair Comtois, une automobile s'arrêtait dans le village de Château-Chalon, département du Jura. Quatre messieurs en descendaient. L'un resta près de la voiture, tandis que les trois autres se dirigeaient vers l'église. Quand ils en revinrent, l'un d'eux portait une statuette qu'il s'efforçait de dissimuler sous son manteau.
Une femme qui avait remarqué leur manège, supposant à bon droit qu'un vol avait été commis, courut prévenir M. le curé qui, en toute hâte, se rendit à l'église où il constata la disparition d'une statuette de Saint-Benoit, mesurant 60 centimètres de hauteur.
On courut après les voleurs, mais ils étaient déjà loin, se dirigeant sur Champagnole.
Un cycliste alla prévenir la gendarmerie de Domblans qui télégraphia à Champagnole en donnant le numéro de l'automobile, qu'avaient retenu quelques personnes.
La publicité donnée à ce vol par les journaux eut pour conséquence la restitution de la statue volée.
Quelques jours après, en effet, saint Benoit reprenait sa place dans l'église de Château-Chalon ; le curé et le maire, cédant à de pressantes sollicitations, retirèrent la plainte qu'ils avaient déposée. Mais le Parquet était saisi: il devait poursuivre.
L'affaire a été mise à l'instruction; le prévenu a été entendu ainsi que les témoins, et nous croyons savoir que le tribunal correctionnel sera appelé à se prononcer à l'une des audiences d'octobre.
Notre confrère ajoute que le propriétaire de l'automobile a été retrouvé : c'est M, Eugène Dubief, propriétaire et capitaine des pompiers d'Ambutrix, département de l'Ain, ami de l'ancien ministre radical-socialiste Baudin, qu'il véhicule fréquemment.
On a découvert, en outre, que l'auteur du vol commis dans l'église de Château-Chalon n'était autre qu'un fonctionnaire résidant à Bourg, grand amateur d'objets d'art et de bibelots anciens ; le Journal de l'Ain donne son nom et son titre: M. Bonnichon, inspecteur des enfants assistés du Rhône.
Cédant écrit un journal ami, le Réveil de l'Ain, a une folle passion de collectionneur, il avait commis une indélicatesse absolument inexcusable, dont il a compris au bout de quelques jours la gravité.
Il s'en fut donc voir le curé, lui présentant ses excuses et lui remit une certaine somme pour ses pauvres. Le saint fut réintégré dans sa niche. Le curé et le maire retirèrent la plainte qu'ils avaient déposée.
Le Journal de l'Ain a poursuivi son enquête, et établi que l'automobile était bien, le 13 août, conduite à Château-Chalon par son propriétaire, M. Dubief, qui y avait fait prendre place à ses commensaux ordinaires, M. Bonnichon et un journaliste de Bourg. Il ajoute, après avoir rappelé l'histoire du vol, qu'il y avait aucune raison pour douter de M. Dubief et, pour l'honneur de notre profession. nous nous refusons à admettre qu'un confrère ait pu participer une action aussi infâme.
Mais ces Messieurs feront difficilement croire au public qu'ils ignorèrent la présence du saint Benoit dans les plis du pardessus de Bonnichon.
Et au retour, dans quel coin si ignoré de l'automobile, Bonnichon avait-il pu glisser précieux objet d'art pour que ses compagnons de route ignorassent sa présence ?
La vérité est que l'honorable M. Dubief et son ami ont fait preuve d'une inconcevable faiblesse.
Aujourd'hui, ils jettent par dessus bord l'indélicat fonctionnaire. C'est bien !
Que ne l'ont-ils débarqué de leur automobile le dimanche 13 août, alors qu'il emportait la statuette volée.
Attendons l'audience ; elle ne peut manquer d'être intéressante.
LA CROIX - 17 novembre 1931
La presse du passé est passionnante !
Regorgeant d'anecdotes ou de faits-divers, parfois croustillante, souvent sordide, parfois amusante, elle nous permet de ressentir la manière de pensée de nos aïeux, de ceux qui ont vécu en cette commune, en ce territoire, de ceux qui l'ont fait vivre et que nous visitons.
La presse passée redonne vie aux simples citoyens, à ces gens qui n'auront jamais nom en livres d'histoire.
Il est plaisant d'y voir l'évolution des importances: en 1900, le commissaire fait une enquête pour un vol de jambon.
La violence est importante: violences ménagères ou non sont courantes, violences villageoises, banditisme ou non aussi ; les comptes se règlent à coups de poings, de bâtons ou autres armes.
Les cuites sont monnaie courante et pas exclusives de certaines régions: nombre de nos aïeux - ayant sans doute très soif, picolent sec !
Un prix spécial devrait être décerné à certains journalistes de cette presse ancienne: les coupures concernant les cuites et amendes en découlant sont parfois d'un humour extraordinaire.
Nous ne pouvons que vous conseiller de lire et acheter la Presse: vous la ferez vivre et imprimerez l'Histoire !