⤇ Nuit du 6 au 7 août 1941
Bien que toujours en formation, le 177° IAP voit les pilotes de carrière travaillant à repousser les raids allemands sur Moscou. Engagés le 22 juillet, ils effectueront 44 sorties de nuit et 93 de jour entre ce jour et la fin juillet. Le 26, leur premier équipage allemand est envoyé au paradis des nazis: le capitaine I.D. Samsonov détruit un Junkers Ju-88.
Alerte aérienne le 7 août. Une partie de l'escadrille décolle dont Viktor Vassilievitch ; il est 22h55. L'attaque des bombardiers et de leur escorte commence.
Lors de cette bataille aérienne, au-dessus de Chtcheglyatyevo et Dobrynikha, Moscou, Viktor Vassilievitch engage un Heinkel He-111, 7° escadron du 26° escadrille de bombardiers de la Luftwaffe.
L'équipage du Heinkel est composé de 5 membres:
S'étant approché à distance de tir, il ouvre le feu ; l'allemand esquive...
Une autre attaque, puis une deuxième sont infructueuses...
La troisième attaque touche sa cible et voit le moteur droit du He-111 touché ; le bombardier vole toujours.
Les mitrailleuses s'enrayent ou ne sont plus approvisionnées ; il est impossible pour le pilote d'en vérifie la raison.
À l'exemple du capitaine Piotr Nesterov, premier pilote à percuter volontairement un avion ennemi en vol, automne 1914, région de Lvov, Viktor Vassilievitch Talalikhin, ses mitrailleuses ne fournissant plus, décide alors d'éperonner le bombardier allemand pour l'abattre. Malgré une blessure à la main droite, sous les tirs du mitrailleur de queue allemand, il s'approche du bombardier et heurte son empennage arrière ; ne pouvant plus manœuvrer, Heinkel et Polikarpov s'écraseront.
Talalikhin, son Polikarpov ingouvernable, s'éjecte vers 2.500 m. et voit le Heinkel s'écraser près du village de Stepygino ; actuellement en arrondissement urbain de Domodedovo, Moscou. Lui-même tombe dans le lac à l'ouest de l'actuelle ville ; il sera secouru par les habitants de ce qui n'est alors qu'un village.
Sa montre arrêtée, il note son heure d'atterrissage: 23h28. L'épave du Heinkel sera aisément retrouvée et il existe des photographies de l'avion ; l'épave de celui de Viktor Vassilievitch ne sera retrouvée qu'en été 2014 !
La tombe improvisée des pilotes allemands sera retrouvée en 2016 et leurs corps enterrés décemment.
⤇ Héros de l'Union Soviétique
L'exploit de Talalikhin est immédiatement signalé à l'État-Major. Le 8 août 1941, suite à décret du Présidium du Soviet Suprême de l'URSS, Viktor Vassilyevitch Talalikhin reçoit le titre de Héros de l'Union Soviétique avec l'Ordre de Lénine et la médaille de l'Étoile d'or n° 347.
Guerre et peuples en guerre ont tous besoin de Héros.
Dès le 7 août, une conférence de presse se tient à l'usine de transformation de viande de Mikoyan ; Viktor Vassilievitch et des journalistes étrangers y ont été invités. Le 8 août, le journal L'Étoile Rouge - Красная Звезда, quotidien des Forces armées de la Fédération de Russie fondé le 1° janvier 1924, publie un article sur le combat aérien. Il y présente des photographies de l'avion abattu, des cadavres de l'équipage ainsi qu'une photographie trouvée dans les affaires de l'un des pilotes décédés. Viktor Vassilyevitch Talalikhin est très sollicité et s'adresse aux travailleurs des entreprises moscovites ; il y est d'ailleurs filmé.
⤇ Mort du Héros
Le 27 octobre 1941, Viktor Vassilyevitch Talalikhin est en vol avec 6 de ses camarades et dirige le groupe. Leur mission est de couvrir les troupes soviétiques dans la zone du village de Kamenki, proche de Podolsk ; la chasse allemande est aussi de la partie ; des Messerschmitt Me-109.
Le combat s'engage.
Victor abat un messerschmitt mais est blessé à la tête. Sans doute, perdant connaissance, ou incapable de piloter, il s'écrase près de Podolsk.
Vous pouvez vous recueillir sur sa tombe car Viktor Vassilyevitch Talalikhin fut enterré au cimetière de Novodievitchi à Moscou. Plusieurs rues portent son nom comme à Moscou, Volgograd, Borisoglebsk, Chelyabinsk, Nijni Novgorod et autres. Un navire de la marine russe fut baptisé à son nom ainsi que plusieurs monuments érigés à sa mémoire.
⤇ Sergent-major Rudolf Schick
De l'équipage allemand, un membre survivra: le sergent-major Rudolf Schick, pilote. Il tentera - et cela est aussi un exploit hors norme, de rejoindre ses lignes en errant pendant 21 jours derrière les lignes soviétiques avant d'être capturé.
Son interrogatoire est parvenu jusqu'à nous. En voici partie:
◎ Protocole d'interrogatoire du prisonnier de guerre Rudolf Schick
Rudolf Schick, sergent-major du 26° escadron aérien, directement subordonné au front. Son commandant est le major Ferlustberg. Le commandant du groupe aérien III/KG 26 est le major Viktor von Lossberg.
Le 1° août de cette année, il a quitté Paris en avion.
Ils étaient à Bobruisk le 2 août ; il y avait 30 bombardiers sur cet aérodrome.
Le soir du 5 août, nous avons pris un avion Heinkel-111 pour Moscou. Un atterrissage d'urgence a été effectué près de Smolensk en raison de dommages au moteur.
Le 6 août, à bord d’un autre avion, également un Heinkel-111, nous sommes partis en mission pour Moscou.
Vers 11 heures, notre avion a été abattu par un chasseur soviétique près de Moscou. J'ai sauté de l'avion ; les autres se sont probablement écrasés avec l'avion. L'escadron n'avait jusqu'alors subi aucune perte.
À partir du 6 août, il a marché des environs de Moscou jusqu'à la ligne de front et ce n'est que le 27 août qu'il a été capturé. Il a parcouru notre territoire pendant 21 jours et a mangé des pommes de terre qu'il avait récoltées dans les champs et du pain que les paysannes locales lui ont donné 8 à 10 fois. Il entrait dans les villages tôt le matin et demandait khlepushka, complétant ce mot par des expressions faciales et des gestes. Lors de l'interrogatoire, de nombreuses miettes de pain ont été trouvées dans sa poche. Il a détruit tous ses documents et insignes après l'atterrissage, voulant cacher son nom et son grade.
Une fois, j'ai traversé une autoroute asphaltée. Avant cela, j'avais enlevé mes bottes et les ai laissées dans la forêt, parce que des callosités se formaient sur ses pieds et que je ne pouvait pas aller plus loin autrement.
Il a appris la guerre avec l'URSS, à laquelle ni lui ni ses camarades ne s'attendaient, le 22 juin. Il explique ainsi les raisons de la guerre:
28 août 1941
Enquête réalisée par l'instructeur politique Chmakov.
Le sergent-major Rudolf Schick sera interné en camp comme tout prisonnier de guerre ; il y meurt de tuberculose en 1942.
⤇ Baran: éperonnage en vol
Comme nous l'avons noté plus avant, le premier éperonnage aérien fut réalisé par le capitaine Piotr Nikolaïevitch Nesterov le 26 août 1914. As du manche à balais s'il en est, il fut aussi le premier à réaliser une boucle, appelée Boucle Nesterov. Longtemps restée théorique et affirmée par les calculs du scientifique russe Nikolaï Egorovitch Joukovski, elle fut tentée par plusieurs aviateurs qui y laissèrent tous la vie ; l'avion se brisant en vol car incapable de supporter les contraintes techniques imposées apr la figure. Nesterov réalise cette première boucle le 27 août 1913 et, sur de ses calculs, ne porte aucune ceinture de sécurité !
C'est aussi lui qui réalisera le premier éperonnage en vol ce 26 août 1914.
Voyant un avion autrichien - Franz Malina, pilote ; Baron Friedrich von Rosenthal, pilote-observateur, chargé de bombes prêtes à larguer sur les lignes russes, il l'éperonne en vol par un coup de bélier. Les deux avions s'écrasent ; les trois pilotes meurent. Piotr Nikolaïevitch avait affirmé qu'il était possible de déchirer la voilure d'un ennemi en frappant une de ses ailes à coups de roues ; il fut le premier à le faire.
Le premier éperonnage de nuit sera aussi réalisé par un pilote russe, E.N. Stepanov, qui, lors de la guerre d'Espagne, abat un bombardier Savoia-Marchetti SM81 dans le ciel de Barcelone ; il volait à bord d'un Polikarpov I-15.
Éperonner un avion en vol s'appelle réaliser un Baran, du mot russe баран - bélier.