Notre société du XVIII° siècle était profondément rurale et seigneuriale. Une bonne partie des terres de Séglien dépendait de la Seigneurie de Kaod ar Faoù - Coat-an-Faou. Voici un cours descriptif des conditions de vie des gens de métier vivant à Séglien au XVIII° siècle.
Par gens de métier, nous parlons des professionnels qui, sans posséder ou travailler la terre, en vivaient par les services rétribués qu'ils fournissaient aux autres habitants de la paroisse.
Le rôle de la capitation - les impôts sur le revenu de l'époque - nous donne une bonne image du niveau social de ces gens de métiers qui, en général, ne bénéficient pas d'un train de vie particulièrement brillant et qui, pour la plupart, habitent au bourg.
Parmi ces professionnels, un des plus aisé est Claude Dacquay, meunier qui est capité à 15 livres et 10 sols mais qui reste loin derrière Isidore Le Fur, meunier à Pont-Samuel dont la fille bénéficie de 650 livres de rente. Quant au mercier du bourg, Claude Jacques, il ne paye que 6 livres de capitation et se place loin derrière les deux meuniers.
Deux maréchaux-ferrants vivent au sein de la paroisse. Celui du bourg, plus aisé que son confrère basé à Kergohan, paye 2 livres 1 sol de capitation ; celui de Kergohan 30 sols.
La commune voit aussi la présence d'un tailleur, Yves le Guyader - qui porte mal son nom car en breton ur gwiader est un tisserand - paie 30 sols, tout comme ses quatre confères couturiers. Mieux placé hiérarchiquement dans le 'prêt-à-porter' de l'époque; les trois costumiers du village paient 5 livres et 10 sols pour le plus riche, 4 livres 10 sols et 2 livres pour le plus pauvre. Cette différence de capitation s'explique par la différence de clientèle de chacun; le plus riche, ayant sûrement grand renom, devait broder et réaliser les costumes du 'gratin' de la paroisse et chaque famille mettait un point d'honneur à se passer le costumier de génération en génération. Ils sont bien plus en situation que les tailleurs qui réalisent des habits de travail en toile de chanvre ou que les rapetasseurs qui 'rapetassent' les vielles fripes.
Les métiers du bâtiment ne font pas partie des plus aisés de la paroisse. Jacques le Fur, le maçon, ne paie que 8 sous, comme son compère couvreur, Joseph Jacques. Leurs revenus peu élevés s'expliquent le peu de constructions nouvelles qui leurs sont proposées; les paysans sont aussi bien habiles à gâcher le mortier et refaire leurs toitures de chaume. Cette situation financière est aussi celle des deux charpentiers.
Parmi les gens de métier, seuls les meuniers peuvent espérer s'élever dans cette socité fortement hiérarchisée.
Il n'existe aucun boucher ou charcutier. Ces productions sont réalisées dans les familles.
Les rôles de capitations permettent de dénombrer la présence d'approximativement vingt-cinq valets de ferme à Séglien. Ils paient une moyenne de 6 à 10 sols de capitation, ce qui les placent mieux que les métiers du bâtiment.
Possédant un petit bien pour certains d'entre eux, ils peuvent travailler à la journée - lors des grandes périodes agricoles - ou peuvent aussi travailler à la semaine ou à l'année.
Si le salaire fixé s'élève en moyenne à 8 sous par journée de travail, le valet bénéficie d'avantages en nature et certains bénéficient d'un habit par an, 1 ou 2 chemises, 1 ou 2 paires de guêtres et des sabots; ces habits étant de toile de chanvre dont l'aune - approximitivement 1.20 mètres - coutait une moyenne de 1 livre et 10 sols.
Certains contrats de valets de fermes se faisaient par écrit. Il est amusant de remarquer que certains de ces contrats spécifiaient qu'il ne serait pas mangé de saumon plus de deux fois par semaine !!!
Mais ils ne parlent pas de la crême ou du champagne.