■ Terrible accident
Saint-Pierre-de-Bœuf, 20 mai - Un épouvantable accident est arrivé dans la carrière de pierres de MM. Bourgeois et Cie, au lieu dit la Rochette près de Saint-Pierre-de-Boeuf, canton de Pélussin, département de Loire.
MM. Bourgeois et Cie, qui se sont chargés des travaux d'endiguement du Rhône, occupaient vingt-cinq ouvriers dans la carrière qu'ils exploitent.
A une heure, les ouvriers venant de déjeuner, se mirent au travail.
Préalablement toutes les mesures de précaution et de sûreté pour les ouvriers avaient été prises, et rien ne faisait présager la terrible catastrophe qui, quelques minutes après, faisait de nombreuses victimes.
Plusieurs ouvriers travaillaient au pied des rochers, pendant que les autres chargeaient les pierres.
Tout à coup un craquement formidable se fit entendre, la cime du rocher croulait ; les ouvriers épouvantés reculent mais deux sont pris sous les blocs. Les camarades de ces deux infortunés, oubliant le danger, s'élancent à leur secours ; une minute s'est à peine écoulée, qu'un second éboulement se produit, faisant quatre nouvelles victimes.
Six ouvriers étaient ensevelis sous l'avalanche de pierres !
La nouvelle de cette catastrophe épouvantable se répandit bien vite dans le pays, et de tous côtés les habitants accoururent.
Les travaux de secours furent aussitôt organisés par M. Méraud, conducteur des ponts et chaussées. Toutes les personnes présentes mirent un grand dévoilement et beaucoup d'empressement à déblayer la carrière. On espérait trouver les malheureux ensevelis vivants : mais hélas, à 9 heures du soir, on retirait six cadavres.
Voici les noms des malheureuses victimes, la plupart sont mariés et pères de famille :
Claude Brustel, âgé de 52 ans, marié et père de deux enfants.
- Auguste Flacher, âgé de 28 ans marié et père de deux enfants.
François Flacher, père du précédent, âgé de 50 ans, marié et père de 3 enfants.
Arohangelo Dezorgo, célibataire, âgé de 34 ans.
Joseph Cartellier, âgé de 28 ans, marié, père d'un enfant.
Adrien Gamet, âgé de 18 ans.
Le médecin, de Pélussin, que l'on était allé chercher, croyant que son concours pouvait être de quelque utilité, n'a pu que constater les décès. Ils étaient entièrement méconnaissables, mutilés et écrasés à ce point que plusieurs étaient réduits en une bouillie sanglante. On n'a pas voulu les laisser voir aux femmes et aux enfants des malheureuses victimes dont il faut renoncer à décrire le désespoir.
Les funérailles des six victimes de cette catastrophe ont eu lieu le 15 à dix heures du matin. Une foule qu'on peut évaluer à plus de deux mille personnes formait le cortège que précédaient trois tambours voilés de crêpe, et la Fanfare qui jouait des airs funèbres.
Ces six cercueils ont été sortis tous ensemble de la maisonnette de la carrière, les autorités départementales et locales étaient représentées dans le cortège. Au cimetière, les fosses avaient été numérotées pour que chaque famille les reconnût bien. La foule était profondément impressionnée.
Une grande quantité de curieux sont allés visiter la carrière, théâtre de ce terrible accident.
LES DRAMES ILLUSTRÉS - 22 mai 1880
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