S'ennuyant dans ses Enfers et sans doute lassé des ronds de jambe de ses courtisans ou, peut-être, souhaitant prendre le frais, le Diable décida de se faire humain pendant quelques temps et - lui fallant subvenir à ses besoins courants, il décida de se choisir un métier.
Bien sûr - Diable un jour, Diable toujours, il lui fallait trouver une profession qui gagne bien et corresponde à son esprit peu scrupuleux. S'étant plongé en réflexion, et après avoir mûrement réfléchi et examiné les situations, il se décida pour la profession de meunier.
Ceci décidé, il se mit alors en recherche d'un emplacement où exercer son art, non seulement celui de la meunerie mais aussi celui de ses supercheries ; il jeta son dévolu sur le Moulin de Guérin en cette paisible commune de Nohant-Vic.
Ne nous demandez pas comment il obtint signature de l'ancien propriétaire où si le Diable s'arrangea pour l'envoyer rôtir en Enfer sous peine de refus d'un acte notarié à son avantage. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est que le Diable obtint beau titre de propriété et devint heureux propriétaire du ce charmant moulin.
À peine arrivé, notre bon Diable décida de faire quelques travaux et changea tout l'antique système pour un moulin tout en fer ; les pièces étant réalisées dans les forges de l'Enfer et, l'espace d'une nuit, on vit ce moulin équipé d'une roue en fer, d'engrenage en fer, l'arbre de broyage en fer ; même les meules étaient de fer et assotries à la toiture !
Le bruit se répandit en Berry et, bien rapidement, tous les meulants du pays vinrent apporter leur blé à moulin démoniaque ; il faut dire que les autres meuniers avaient mauvaise réputation et que les tarifs du nouveau meunier étaient bien avantageux - ceux des autres meuniers ayant soudain vilaine odeur de souffre !
Ce fut désolation chez les autres meuniers qui, les uns après les autres, cessèrent leurs activités par... manque d'activité !
Notre vilain Diable, ayant accaparé toute la clientèle du pays et ayant monopole, changea soudain de paratique: il devint très cher, faisait n'importe quoi, volait de la farine et la changeait par de la sciure de bois, fraudait, trafiquait, escroquait...
Tous les vilains du pays commencèrent à crier misère: ce diabolique meunier qui avait monopole meulait pour très cher et rachetait tout à vil prix à coup de pièces sentant le soufre...
Saint Martin, passant dans le coin, vit la triste situation des habitants et décida de les aider - avec la discrétion qui le caractérise.
Comme nous étions en plein hiver, il construisit un moulin de glace - lui aussi en une nuit, puis fit campagne publicitaire.
Tous ceux qui avaient à redire contre le moulin en fer vinrent vers ce nouveau moulin glacé et, devant la qualité des farines, du meulage, devant la gentillesse et politesse du meunier, devant les tarifs bien honnêtes de celui-ci, la rumeur se répandit comme trainée de farine et tous les meulants de la région apportèrent leurs grains à moudre.
La renommée fut telle que, bien vite, notre vilain bougre de Diable se retrouva sans labeur, grains ou meulants. Désespéré, il vint alors voir Saint Martin et lui proposa rachat du moulin de glace contre moulin de fer, ce qu'accepta le bon Saint moyennant 5.000 pistoles en sus.
Tout heureux de son marché, le Diable signa acte notarié puis, se frottant les mains crochues, envisagea belles affaires...
L'hiver passant, les affaires marchèrent du feu de Dieu ; puis vint le printemps...
Le bourgeons commencèrent à percer, les premières fleurs - des primeverts, pointèrent leurs crémeuses et délicates fleurs, les oiseaux commencèrent à gazouiller et les animaux à quitter leurs terriers au ryhtme de disparition du gel.
Après avoir chaté tou l'hiver, notre bon Daible commença à déchanter quand il vit ses meules, les arbres de broyage et toutes les pièces de son moulin tomber goutte à goutte. Les farines aux qualités miraculeuses devinrent glue et pâtes puis, par un beau et chaud matin, le moulin s'écroula et s'en vint à l'Igneraie.
Piteaux, notre Diable, la queue fourchue entre les jambes, quitta alors le Berry pour des contrées plus chaudes et agréables. On sait - ceci de source sûre, qu'il se jura de ne plus sse faire berner par Saint Martin et de quitter le monde de la farine pour se consacré à ses chers Damnés qui l'attendaient...
Les meuniers eurent souvent mauvaise réputation - partout dans le monde, car ils se faisaient payer en grain. Le Royaume, suite à constats peu élogieux pour cette profession, sigan plusieurs ordonnances fixant tarifs et règles ; le non respect de ces règles étant passibles de pilori ou de forte amende.