La Cluse est composée de 5 hameaux, soit: Rabioux, les Garcins, Maniboux, le Petit-Recours et Vorant; non compris le Playne, le Poumaret, la Sallette et Jannois, qui sont quatre forains, habitats d'estive temporaires. L'étendue du terroir est environ une demi-lieue de long sur autant de largeur. Sa superficie est de 4016 hectares pour une population de 261 habitants.
État fait et dressé par nous consuls et secrétaire-greffier de la communauté de La Cluse-en-Dévoluy, en suite d'une lettre à nous adressée par MM. les Procureurs généraux, syndics aux États de Dauphiné, en date du 8 février dernier, signée par M. Falquet-Travail, le tout pour servir et valoir à ce que de raison. Le tout ainsi que ci-après.
L'ouverture des États Généraux 5 mai 1789
Médecin, chirurgien Le médecin et chirurgien le plus proche est installé à Veynes en la personne du sieur Patras, ou il faut se rendre à Gap distant de 4 lieues.
Accoucheuse Aucune accoucheuse instruite n'exerce sur le territoire.
Épidémies Grâce au Seigneur, depuis longtemps la communauté n'a pas été attaquée de maladie épidémique. L'inoculation de la petite vérole ne s'y est jamais pratiquée.
Habitat Toutes les maisons sont très mal bâties, couvertes en paille, n'y ayant aucune carrière d'ardoises, ni fabrique de tuiles à portée, la plus près étant éloignée de trois lieues.
Cultures La nature du sol est, en général, fort mauvaise, ne produisant ordinairement que de trois pour un. Dans le terroir de La Cluse, il ne se perçoit que du seigle, de l'avoine, quelque peu de légumes, point de froment, aucun arbre fruitier quelconque, attendu la rigueur des hivers et la durée des neiges, depuis le mois de novembre jusques à la fin du mois d'avril ordinairement.
Ouverture Si ce n'était que la plupart des habitants sortent de l'endroit régulièrement à la Toussaint, pour aller gagner leur vie par le travail de leurs mains dans la Provence, le Lyonnais et autres provinces voisines, pendant l'hiver, les récoltes en blé et avoine ne suffiraient jamais pour leur nourriture, quoique fort mince, ne se nourrissant jamais que de pain de seigle, avoine ou pommes de terre, avec un peu de potage, que le peu de légumes qu'on perçoit, fournit. Dans les années de disette, on a recours aux marchés de Veynes et à ceux de Gap.
Exportations Il y a dans la communauté quelques habitants, en bien petit nombre, qui vendent quelques charges d'avoine dans les marchés de Veynes ou de Gap. Le seul moyen d'exportation est à dos de somme, eu égard aux mauvais chemins et au peu de facultés des habitants. Point de foire ni marché dans le lieu de La Cluse.
Bois Il y a dans la communauté et son terroir deux petites forêts complantées de bois sapin et fayard, dont la propriété appartient à la Chartreuse de Durbon. Les habitants ont l'usage du bois fayard pour leur chauffage, en payant à ladite chartreuse une émine d'avoine chaque habitant. Pour ce qui est du bois sapin, ils en ont de même l'usage pour leurs bâtiments, après en avoir demandé la permission aux révérends pères chartreux.
Terres communes La communauté jouit d'une petite montagne commune, où les bestiaux vont paître pendant l'été et d'où les habitants tirent le fourrage nécessaire à la nourriture du peu d'avérage qu'ils nourrissent dans l'hiver; observant que partie de cette même montagne est allivrée au cadastre de la communauté, et qu'il n'y a point de prairies en plaine, surtout au chef-lieu de La Cluse.
Territoire Le territoire est rempli de petits ravins qui, en temps de grosses pluies, désolent la campagne, attendu la situation du local penchant et montueux. Indépendamment de ces petits ravins, sont encore les petits torrents de Labéoux et Mouche-Chat. Ce dernier borde l'église paroissiale et, malgré les réparations qu'on est obligé souvent d'y faire autour des murs, pour empêcher l'éboulement du terrain, les murs de l'église, du côté du midi et du levant, en sont endommagés. La communauté ayant été obligée d'y faire faire dans ces derniers temps des réparations considérables qui, jointes à une autre réparation qui n'est pas encore commencée, se montent à 700 livres, jointes à celles qui ont déjà été faites et que le prix est presque encore tout dû aux anciens adjudicataires, par le peu de facultés des habitants, dont le tout monte environ à là somme de 3,5oo livres, et le peu de ressources de la communauté. Le torrent de Labéoux qui prend sa naissance à la montagne de Lèches, suit tout le terroir de sa longueur, cause des dommages considérables dans plusieurs fonds, sans prévoir des moyens faciles à les prévenir pour les garantir des irruptions desdits torrent et ravins, qui rendent encore les chemins de la Cluse à Veynes et à Gap presque impraticables, sur l'espace de demi-lieue.
Bétail Il y a dans la communauté 10 paires de bœufs, 2 mulets, 12 bêtes de somme et environ 150 bêtes d'avérage, de bonne espèce, attendu qu'on a soin de se procurer des agneaux de Provence.
Vétérinaire, maréchal Il n'y a dans la communauté aucun artiste vétérinaire ni maréchal expert. Les plus à portée sont à Gap.
Industrie La seule industrie des habitants est la culture des terres; leur commerce ne consiste qu'en l'achat et vente de leurs bestiaux.
Régime municipal La communauté est administrée par deux consuls, qu'on change ordinairement tous les ans, un secrétaire-greffier et un châtelain, habitant à Veynes actuellement.
Revenus de la communauté Tous les revenus de la communauté consistent en ce que quelques cadets de famille, qui s'en vont passer les hivers en Provence, reviennent avec quelques agneaux, qu'ils font paître sur les montagnes de la communauté et payent, à raison de ce, un droit de pâturage qui est employé aux besoins urgents de la communauté.
Impôts La communauté impose dans le rôle de taille, pour charges locales : 5 livres pour le cierge pascal, 21 livres pour le sonneur des cloches, 9 livres pour le gage de secrétaire-greffier, 36 livres pour le garde-bois et fruits, 3 livres pour la fourniture de papier, encre, plumes et occupation de chambre, bois et chandelles, 3 livres pour port de lettres et paquets, 6 livres pour le voyage du député aux assises.
Charges extraordinaires La communauté a été obligée de faire réparer la maison presbytérale, dont l'adjudication fut passée en 1780, par-devant Mgr l'évéque de Gap et M. Delafont, subdélégué, au prix de 480 livres, qui sont encore dues.
Dettes communautaires On doit regarder ici comme dettes de la communauté et charges extraordinaires et qu'elle est tenue de payer au seigneur du lieu, consistant à un droit de onzain, qui est la onzième partie de tous les grains qui se perçoivent dans le terroir, outre un autre droit de tête ou beylie; ensemble un droit de feyra; le droit de tête est 27 livres payées annuellement au seigneur, et celui de feyra est une brebis que le seigneur exige annuellement de chaque habitant qui en possède au moins dix. Le seigneur exige le droit de lods à la cote sixième.
Comptes communautaires Les comptes des collecteurs ont été rendus jusques et compris l'année 1787. Cependant la communauté se propose de demander aux sieurs collecteurs une révision sur leurs comptes rendus.
Pauvres Les pauvres de la paroisse n'ont d'autre revenu que la vingt-quatrième, qui est cinq émines de blé seigle, mesure de Vevnes. Point d'hôpital, par conséquent point de fondation à raison de ce. À l'égard de l'éducation publique, il y a un fonds de 300 livres placé chez un particulier de la communauté, dont on retire les intérêts au denier vingt, déduction faite des tributs royaux, que la communauté emploie à sa destination.
cadastre La date du cadastre et du coursier est du mois d'août 1636, en très mauvais état l'un et l'autre, et qui auraient exigé d'être renouvelés si les facultés de la communauté lui avaient permis; les papiers et titres de la communauté sont dans un coffre déposé dans l'église, fermant à deux clefs confiées une à chacun des deux consuls
Chartreuse de Durbon La communauté de La Cluse a l'honneur d'observer à Nos seigneurs de la Commission intermédiaire que la chartreuse de Durbon perçoit la dîme dans une partie du terroir, à la cote douzième; dans une autre partie, à la cote sixième, sans qu'elle sache pourquoi cette variété dans la perception de la dîme et sans faire aucun service dans la communauté à raison de ce, et sans avoir jamais payé aucune vingt-quatrième aux pauvres, au moins qui soit à la connaissance de la communauté.
Rabioux Le hameau de Rabioux paye à ladite chartreuse 26 émines de blé et 18 émines d'avoine, pour droit de cense, comme seigneurs dudit hameau.
Maniboux Le hameau de Maniboux paye aussi audit monastère de Durbon la dime à la cote dixième en grains, sans leur faire faire aucun service, ensemble une pension de la somme de 11 livres.
Rabioux et Maniboux On observe encore à Nosseigneurs de la Cour intermédiaire que le hameau de Rabioux prend une sixième du lançon et Maniboux, une quatrième, lesquels hameaux sont obligés de faire leurs rôles séparés de celui de la communauté, et que chaque hameau est obligé d'imposer dans son rôle jusques à la somme de 21 livres pour les frais de rôles dans le chacun.
Nous, consuls et députés de la communauté de La Cluse soussignés, certifions le présent état véritable, supplions très humblement Nosseigneurs de la Commission intermédiaire d'y avoir tel égard que de raison et ce sera justice.À la Cluse, ce 25 avril 1789.
Signé: J. SAUSCE, consul, J. LAURENS, P. MICHEL, MENASSIEU,secrétaire-greffier.