Cosne-Cours-sur-Loire, comme partout en Nivernais et en ce bas monde, fut le lieu de croyances, de contes et légendes qui, en ces temps où la télévision n'existait pas, agrémentaient agréablement les soirées et veillées auprès du feu. Souvent, nos anciennes légendes sont oubliées ; d'autres sont née et leur territoire dépasse largement nos terroirs et départements.
La veillée dans le puits est un conte du Nivernais que nous vous laissons découvrir.
Il y avait, il y a bien longtemps, une femme restée veuve avec sa petite fille. Elle épousa en secondes noces un veuf ayant aussi une fille de son premier mariage. La marâtre était jalouse de la fille de son nouveau mari; cet enfant était autant douce et bonne que la fille de cette marâtre était méchante et acariâtre.
Pour être sûre de régenter son monde et favoriser sa propre fille, la marâtre rabrouait sa belle-fille à longueur de temps et l'éloignait de la maison tant faire ce peu et, un soir, elle lui dit: "Vilaine que tu es, pourquoi ne vas-tu pas veiller hors d'ici ?". La petite fille prit sa quenouille et son fuseau et sortit toute désolée, ne sachant où aller. Passant près du puits, elle se pencha instinctivement sur la margelle et regarda au fond du puit. Sa surprise fut grande d'y voir luire une grande clarté et des demoiselles; elle en fut si surprise que son fuseau lui échappa et tomba dans le puits.
— A la garde de Dieu, dit-elle, je vais te suivre.
Et, se jetant par-dessus bord, elle se trouva tout-à-coup près des demoiselles dont l'une se prit à dire:
— Maman, maman, voici une petite fille qui vient veiller avec nous, qu'allons-nous lui donner ?
— Que désires-tu d'elle? répondit la mère qui était une belle dame.
— Qu'elle me pouille.
Et la petite fille se mit de bonne grâce à fouiller dans la chevelure de la demoiselle.
— Que trouves-tu, ma mie ? demanda la mère.
- Ni pou ni lente et la tête bien blanche.
— Que ni pou ni lente ne t'arrive, ma mie.
La veillée finie, au moment où l'enfant allait quitter le puits, la demoiselle dit à sa mère:
— Que lui souhaitez-vous ?
— Je souhaite qu'à toute parole qu'elle prononcera, il lui sorte un écu de la bouche.
La petite fille rentra et la belle-mère lui cria, de mauvaise humeur:
— Où as-tu veillé, vilaine ?
— Dans le puits.
Et à chaque mot un écu tombait de ses lèvres.
— Ah! dit la belle-mère enchantée, tu n'y retourneras pas; c'est toi, ma fille, qui ira demain.
Et le lendemain soir, elle conduisit au bord du puits la méchante enfant, qui vit aussi la clarté dans le fond, et jeta son fuseau en disant:
— À la garde du diable, je vais te suivre.
— Maman, s'écria la demoiselle, voici une petite fille qui vient veiller ; que lui donnerons-nous ?
— Que désires-tu d'elle? dit la mère.
— Qu'elle me pouille.
Mais ce fut en rechignant que l'autre se mit à toucher du bout des doigts les cheveux de la demoiselle.
— Que trouves-tu, ma mie ? demandait la dame.
— Pou et gale, madame.
— Que pou et gale t'arrivent, ma mie. Et elle eut aussitôt la tête couverte de vermine.
Après la veillée, la demoiselle dit:
— Que lui souhaitez-vous, maman?
— Je souhaite qu'à chaque parole qu'elle prononcera, elle fasse un pet.
Lorsqu'elle revint à la maison, sa mère lui demanda bien vite des nouvelles de sa veillée. Mais comme le souhait s'accomplissait, elle entra dans une si grande colère qu'elle en mourut, et sa fille ne tarda pas à faire de même, de rage et de honte, si bien que les autres vécurent tranquilles jusqu'à la fin de leurs jours.
Nous vous laisserons le plaisir de tirer la morale de ce conte de Cosne-Cours-sur-Loire