■ La cavalerie charge - L'abbé Bizîen arrêté
Bohars, 22 novembre - Pendant que les catholiques se battaient à Plouguerneau pour la défense de leur foi outragée, les fidèles de Bohars opposaient eux aussi une résistance énergique. Un soleil resplendissant dans un ciel sans nuage a fait place au temps affreux de ces jours derniers. Vers huit heures et demie, lorsque M. Jérôme, commissaire central, arrive avec M. Macel, percepteur à Saint-Renan, le tocsin sonne à toute volée. La place est envahie par un grand nombre de cultivateurs, de gars bretons aux traits énergiques, à l'air d'autant plus résolu qu'ils tiennent en main de solides penbazh.
M. l'abbé Mével, recteur, se tient au milieu de ses paroissiens.
Les troupes prennent contact avec les défenseurs qui poussent des cris de Vive la liberté, Vive le Christ. M. Jérôme, très poliment, chapeau bas, s'avance vers M. le recteur et lui demande d'éviter par son autorité morale une effusion de sang ou tout au moins des bagarres regrettables. M. l'abbé Mével, très digne, répond qu'il n'est pas partisan de la violence, mais qu'outragés dans leur foi, lui et ses paroissiens ne céderont qu'à la force. Ces paroles du prêtre sont acclamées.
Les sommations légales sont faites sans résultat. Une collision paraît inévitable. Les troupes s'avancent. Les fidèles ne bougent pas d'une semelle. Une bagarre se produit. L'abbé Bizien, vicaire à Bohars, est pris brutalement au collet, dépouillé de sa pèlerine, de sa coiffure, et conduit par la gendarmerie.
Sur la place de la mairie, il se produit un mouvement d'indicible colère parmi les fidèles. Le commissaire, se rendant compte que les choses pourraient tourner au tragique, fait relâcher le prêtre, mais les abords de l'église restent toujours inabordables. La cavalerie entre en jeu, charge et fait place nette. Il se produit un moment de panique. Les femmes affolées, crient, pleurent. La situation est d'une grandeur tragiquement désolante.
Cependant, voici que la porte vole en éclats sous les coups de hache des sapeurs. Dans l'église, l'agent du fisc et le commissaire se trouvent en présence de femmes en prières et chantant de cantiques.
Le départ des troupes a lieu aux cris de Vive la Liberté, Vive l'Église, À bas les crocheteurs !
LE GAULOIS - 23 novembre 1906
La presse du passé est passionnante !
Regorgeant d'anecdotes ou de faits-divers, parfois croustillante, souvent sordide, parfois amusante, elle nous permet de ressentir la manière de pensée de nos aïeux, de ceux qui ont vécu en cette commune, en ce territoire, de ceux qui l'ont fait vivre et que nous visitons.
La presse passée redonne vie aux simples citoyens, à ces gens qui n'auront jamais nom en livres d'histoire.
Il est plaisant d'y voir l'évolution des importances: en 1900, le commissaire fait une enquête pour un vol de jambon.
La violence est importante: violences ménagères ou non sont courantes, violences villageoises, banditisme ou non aussi ; les comptes se règlent à coups de poings, de bâtons ou autres armes.
Les cuites sont monnaie courante et pas exclusives de certaines régions: nombre de nos aïeux - ayant sans doute très soif, picolent sec !
Un prix spécial devrait être décerné à certains journalistes de cette presse ancienne: les coupures concernant les cuites et amendes en découlant sont parfois d'un humour extraordinaire.
Nous ne pouvons que vous conseiller de lire et acheter la Presse: vous la ferez vivre et imprimerez l'Histoire !