Autrefois,
Il y a bien longtemps,
Il y a très longtemps,
C'était hier...
...Un couple d'aléoutes vivait paisiblement - enfin, à ce que dit la légende, et suivait les us et coutumes aléoutes sur l'île Béring...
Une particularité, néanmoins, leur était propre et réellement spécifique.
Les aléoutes sont un peuple très famille: être ensemble, passer du temps en commun, s'occuper, bavarder ou se disputer, partager et échanger en famille, avec enfants, proches, alliés, et voisinage est importance ; les aléoutes sont, il est vrai, un peuple très sociable !
Alors que tous étaient ensemble, notre couple, et ceci depuis leur nuit de noces, voyait le mari arriver à la nuit tombée, partager la couche de sa femme puis, avant l'aube levée, quitter la maison commune et disparaître la journée pour ne revenir que soleil bien couché...
Pendant quelques années, bien que trouvant ce comportement ni très civilisé, ni très convenable, ni très social, notre brave femme, plutôt honteuse de ces faits, se tint coi et s'habitua à se lever seule dans la maison.
En ces temps épiques, le peuple aléoute vivait dans de grandes maisons communes bâties à flanc de colline et appelées Барабора - barabor.
Un beau matin, excédée de voir son mari la quitter avant l'aube, et dévorée par le virus de la curiosité, notre brave femme aléoute décida de le suivre à son insu. Son homme grimpa le tronc à encoches servant d'escalier et permettant de sortir par le toit du barabor ; la porte latérale n'étant accessible qu'aux beaux jours.
Notre curieuse suivit son mari et s'approchant discrètement de lui, remarqua qu'i létait borgne et d'une laideur impossible ; devant une telle horreur, elle décida de le quitter et fuir le plus loin possible de cet homme si horrible...
Elle marcha longtemps, navigua d'île en île, passant de Béring à Medny et autres lieux aléoutes dont les noms s'effacèrent dans les brumes...
Arrivant sur une terre aléoutienne qui lui était inconnue, elle fut soudainement attrapée par un géant qui la jeta sur son dos pour la ramener dans son barabor ; un barabor gigantesque et souterrain que lui seul habitait, très haut sur une montagne sans nom.
Il jeta la femme dans son antre de géant...
Elle se réveilla plus tard, nue et tremblante. Le froid l'avait saisie ; elle regretta d'avoir quitté son mari.
Soudain, elle entendit une voix, sans doute la voix de l'Espérance, lui disant doucement:
- Arrête de pleurer !
Ici, au-dessus de toi, regarde, il y a une kukhlyanka en peaux d'oiseaux marins - Ndt: le vêtement féminin montré en image.
Prends-la et couvre-toi de cet habit de plumes...
Levant les yeux, elle put voir un panier contenant une superbe kukhlyanka réalisée en peaux de macareux. Elle tenta de l'enfiler mais, malgré tous ses efforts, la kukhlyanka était trop petite.
La femme se mit à pleurer de plus belle, désespérée...
Elle entendit alors la voix lui dire doucement:
- Arrête de pleurer !
Regarde dans l'autre panier d'herbe. Il est suspendu de l'autre côté du barabor et contient des kukhlyanki en peaux d'animaux terrestres.
Elle traversa le barabor puis, après une longue marche, trouva le panier: il contenait des kukhlyanki en peaux d'animaux terrestres. Elle tenta de se vêtir, en essaya plusieurs ; celle réalisée en peaux de renards lui allait à merveille, comme une seconde peau.
Elle eut immédiatement bien chaud.
Elle put alors penser à s'échapper, le fit immédiatement, et se mit à courir à corps perdu vers sa Liberté. Assoiffée, elle se pencha vers une rivière et se mit à laper l'eau, comme naturellement. Dans le reflet aqueux, elle s'aperçut alors qu'elle avait des oreilles de renard mais n'y prêta que peu d'attention.
Fatiguée, elle continua à fuir mais le rythme de sa fuite baissant, elle se mit à marcher. Elle remarqua alors trainer une lourde charge derrière elle et, se retournant, remarqua une longue et belle queue de reanrd, une belle grosse queue, bien touffue et bien longue.
Elle tenta de se débarrasser de ce poids ; ses efforts furent vains et elle ne put que continuer à marcher ainsi parée.
Sa fuite la mena directement vers la barabor et les terres où chassaient son père et sa famille.
Elle vit son père, près de la rive, qui chassait des phoques avec son kayak. Elle s'approcha de la rive mais lui, voyant ce beau renard et sa belle fourrure, se décida de l'attraper pour le ramener en trophée. Il lui lança des traits acérés et mortels mais elle les esquiva et s'éloigna rapidement de lui.
Sa chasse terminée, le brave homme rentra au domicile, chargé de bonne viandes et graisses épaisses à partager entre tous. Elle suivit son père, de loin...
Elle attendit le soir et, prudente, s'approcha alors de la maison commune. Elle essaya d'entrer à plusieurs reprises mais cela lui était impossible: un mur invisible et infranchissable lui interdisait la demeure des humains...
Au petit matin, découragée, elle partit vers le monde animal, définitivement, restant renard pour l'éternité...
C'est pour cela que, chez les aléoutes, on dit qu'un individu est rusé comme une femme, qui est rusée comme un renard.
Nous vous laisserons aussi réfléchir à la morale de ce conte aléoute.