Plougonvelin est un bourg situé entre Le Conquet et Locmaria-Plouzané. Si vous longez la côte depuis Le Conquet, vous pourrez visiter la pointe de Saint-Mathieu anoblie par les ruines de l'Abbaye puis visiter le bourg de Plougonvelin, le fort de Bertheaume et ou profiter des plages de la commune. N'hésitez pas non plus à parcourir tous ces chemins qui parcourent la campagne plougonvelinoise.
Nous voici enfin sur la pointe la plus occidentale du continent européen. De là la vue s'étend à plusieurs lieues en pleine mer. Devant soi apparaissent les îles Béniguet, Quemenez, Molène et Ouessant, parcelles détachées de la masse du continent par les efforts non interrompus des flots de l'Océan et séparées des côtes du Conquet par une mer terrible et semée d'écueils funestes aux navires qui viennent fréquemment se perdre sur ces parages redoutables, au moment d'entrer dans le goulet de Brest.
En présence de cette mer en furie, debout sur ces rochers arides, battus et déchirés par les flots, vous éprouvez une sorte d'effroi qu'un tel spectacle peut seul inspirer; et alors vous vous laissez aller à une de ces rêveries mélancoliques, mêlées de plaisir et de tristesse, d'où votre coeur ne voudrait jamais sortir. Sur cette pointe escarpée, sur ces rochers creusés par d'immenses cavernes, clans lesquelles on entend mugir les flots impétueux de l'Océan, monstres affamés qui semblent vouloir ravir encore une nouvelle proie au continent, domine l'abbaye de Saint-Mathieu, célèbre, dans les annales de la Bretagne, par son ancienneté et par les événements qui s'y sont passés.
L'abbaye de Saint-Mathieu, fondée au sixième siècle ou plutôt au commencement du septième, par saint Tanguy, reçut des accroissements considérables au neuvième, et surtout au treizième siècle. Les Anglais s'en emparèrent plusieurs fois, la dévastèrent, et emportèrent même le chef de saint Mathieu, qui avait été précédemment obtenu par les moines de l'abbaye. Cette précieuse relique fut plus tard rendue au couvent; mais, pour éviter de nouvelles invasions, les moines fortifièrent, alors leur demeure, et n'eurent plus à craindre les surprises de l'ennemi. De toutes les vastes constructions qui couvraient jadis cette pointe avancée dans l'Océan, il ne reste plus aujourd'hui que des ruines causées par les siècles et achevées par le marteau des démolisseurs. L'église, attribuée au treizième siècle, bien que les ouvertures soient toutes en plein cintré, possède encore une partie delà voûte du choeur et de son pourtour, ainsi qu'un autel en kersanton, qui peut dater du XV° siècle.
Avant d'arriver à Brest, arrêtez-vous Plougonvelin, où vécut, dans le siècle dernier, Jean Kozher, le doyen des centenaires bretons. Un jour qu'on lui parlait de son grand âge, il prononça ces paroles sublimes: Dieu, dans le livre des hommes, a tourné le feuillet et m'oublie sur la terre.
Vous apercevez bientôt l'anse de Bertheaume, bordée d'une belle plage de sable, puis, un peu plus loin, le château ou fort de Bertheaume, bâti sur un rocher élevé, et ne communiquant au continent que par un simple pont de cordes d'une grande hardiesse.
L'aspect de toute cette côte, qui s'étend, depuis la pointe Saint Mathieu jusqu'à l'entrée de la rade de Brest, cause une sorte de tristesse à laquelle on ne peut se soustraire. Les déchirures du sol, les rochers gigantesques entassés les uns sur les autres, l'aridité de cette contrée battue sans cesse par les vents et les flots de la mer, enfin, toute cette nature sauvage rappelle involontairement l'idée du chaos, ou le résultat d'un de ces bouleversements terribles qui changèrent la surface du globe. Les puissances de la nature donnent ici la main à tout ce que le génie de l'homme a pu créer pour sa défense et le maintien de ses droits. Voilà là-bas la péninsule de Crozon, hérissée de rochers menaçants; voici le passage dangereux de Toulinguet, puis la pointe du Grand-Gouin, enfin la roche Maen-Kamm, et le goulet de Brest, défilé redoutable, festonné de canons et surveillé nuit et jour par une garde vigilante, prête, au premier signal, à défendre l'entrée de la rade.
Le village de la Trinité, situé près de la route de Brest, possède une église du commencement du seizième siècle, et une fontaine sacrée, remarquable en ce qu'elle a trois sources, surmontées chacune d'une arcade en maçonnerie, et venant s'épancher dans un même bassin, qui déverse lui-même ses eaux dans deux autres bassins placés un peu plus bas. Ce concours du nombre ternaire se retrouve ici appliqué au culte des fontaines, si répandu chez les anciens Celtes, et cette réunion mystérieuse et symbolique de trois sources, nées du même rocher et se confondant après s'être séparées, semble s'accorder avec le nom même du village, dont l'antiquité n'est pas douteuse.
Encore quelques pas, et soudain, tout va changer. Ici tout est calme, silencieux; c'est la campagne avec ses frais ombrages, ses parfums enivrants et ses douces harmonies; mais, là-bas, entendez-vous déjà ce bruit confus qui s'élève et grandit sans cesse? distinguez-vous le cri des travailleurs, le bruit des marteaux, le grincement de la lime qui ronge le fer ?
Voici Brest, redoutable et menaçant; voici ses armes, ses vaisseaux et ses richesses, dernière expression de la force et de la puissance d'une grande nation. Adieu, Bretagne ; France, salut!
Voyage en Bretagne - Édouard Vallin - année 1859
< Visitez Plougonvelin en 1889 >