■ Amérique: Guerres séminoles
Les dernières nouvelles des Florides nous montrent à quel degré d'exaspération est parvenue la guerre soulèvée entre les Indiens seminoles et les habitants de cette province des Etats-Unis. Un corps d'armée, composé de troupes régulières et de volontaires, a été presque entièrement détruit, et la république a laissé le champ de bataille aux tribus victorieuses du sud. Un tel résultat, dans la situation respective des Indiens libres et des Anglo-Américains, est plus sérieux qu'on n'a coutume de se l'imaginer ordinairement en Europe.
Les Séminoles, tribu indépendante, étaient relégués entre l'Aplachicotà et le Flint, au nord du golfe du Mexique. Leur pensée d'insurrection n'est pas récente; elle date de 1820, époque de la cession entière des Florides par l'Espagne au gouvernement des Etats-Unis, et depuis ce moment le désir de la vengeance n'a fait que s'augmenter par l'impitoyable rigueur dont use la république américaine en resserrant chaque jour davantage le territoire des peuplades, et en les entassant pour ainsi dire les uns sur les autres, comme des troupeaux de bisons. Celles-là surtout, placées au centre du grand mouvement commercial de l'Union, ne sauraient oublier que leur individualité nationale remonte aux anciens temps de l'Amérique, et qu'ils ont le droit du premier occupant, droit aujourd'hui furieusement compromis.
La révolte, qui a pris, s'il faut en croire le Courrier des Etats-Unis, un caractère très grave, est d'autant plus à craindre que les Séminoles, malgré leur petit nombre - 8000 - peuvent entrainer, dans leur soif de carnage, les débris de tribus errants à l'est de la Louisiane, sur les confins d'Alabama et de Géorgie; les Chérokees, vaillante peuplade du sud, forment la majeure partie de ces débris. Et si, comme on nous l'annonce, les Séminoles sont parvenus à rallier, dans leur cri de guerre, les Chocktaws et les Creeks, qui s'enfoncent le plus, relativement aux Florides, dans les terres septentrionales, il n'y a pas de raison pour que cette émeute de sauvages ne tienne en échec les forces des quatre gouvernements limitrophes, c'est-à-dire, de la Louisiane d'Alabama, de Géorgie et de Colombia. Les récoltes du coton, principalement, devront beaucoup en souffrir.
Au surplus, la Géorgie n'a que ce qu'elle mérite. Le gouvernement de l'Union américaine, soit pour satisfaire l'ardeur de sa population, soit pour hâter l'oeuvre de la civilisation intérieure, avait adopté pour principe, dans plusieurs de ses actes que les nations indiennes quoique existant toujours en communautés distinctes et séparées, sont privées de tout droit au territoire qu'elles habitent; on n'avait même pas voulu tenir compte de leur résidence sur des terres possédées uniquement, de mémoire d'homme, par leurs ancêtres, et qui ne connaissaient aucune sorte d'aliénation. Une pareille législation n'a pas besoin de commentaire. Ce fut en s'appuyant sur cette doctrine fondamentale que la Géorgie, il y a quelques années, proposa de repousser les Chérokees à l'ouest du Mississipi. À l'honneur des autres états, nous devons rappeler que la proposition excita un sentiment unanime d'horreur.
Et toutefois, d'après ce qui se passe encore maintenant,il semblerait que les législateurs de ces états plus humains s'arrogent le pouvoir de soumettre les tribus à la juridiction de leurs lois, de confisquer leurs propriétés et de les partager entre les blancs. C'est là un système de conquête moitié civilisateur, moitié barbare, sous lequel il sera toujours impossible aux peuplades de vivre en repos. Les derniers événements nous en offrent une triste preuve.
Il est vrai que des chartes reconnues et sanctionnées par le gouvernement central fixent les limites du territoire des Indiens enclavé dans celui de l'Union; mais, en supposant que ces chartes n'aient pas été sur quelques points violées, ce que nous ne pouvons guère savoir au juste, à cause de l'obscurité lointaine de ces débats, il n'est pas moins évident que les peuplades du sud ont dû constamment en supporter l'humiliation avec impatience, et chercher depuis longtemps les moyens de vengeance dont les effets viennent de se manifester si déplorablement. En réfléchissant d'ailleurs que le nombre des Indiens, formant les quatre tribus résidant dans les limites de certains états de l'Union - à savoir les Chérokees, les Chickassaws, les Chocktaws et les Creeks - s'élève à 73,000, et que s'il a suffit de quelques émissaires aux Seminoles, qui sont une variété des Chérokeès, pour prévenir et soulever leurs frères d'Alabama, on a logiquement lieu de craindre que l'insurrection ne s'étende à toutes les peuplades résidant encore parmi la population entière des États-Unis, dont le nombre total dépasse trois cent mille. Il n'est pas aise de prévoir ce qu'il adviendra du mouvement actuel, surtout vis-à-vis des six mille hommes de troupes rémunérés dont se compose toute l'armée permanente de la république. Les chances qui paraissent se présenter pour l'élection future de M. Van Burne a la présidence sont de sinistres présages pour l'avenir de cette guerre, car le parti démocratique aux États-Unis a toujours montré le plus d'acharnement pour la destruction des tribus indigènes.
La marche que suit le gouvernement de l'Union dans cette destruction soi-disant politique est bien simple. Il commence par entourer les peuplades dont il médite la ruine de paroisses américaines, qui, par le spectacle des jouissances de la civilisation d'Europe, entretiennent chez leurs voisins la convoitise et la dépense. Quand les sauvages, ainsi moralement traqués, ont épuisé leur énergie dans les flots d'eau-de-feu (eau-de-vie), que les rusés planteurs leur abandonnent même à crédit, oubliant la religion des tombeaux de leurs ancêtres, ils viennent offrir leur territoire pour quelques barils de la liqueur qui les a corrompus, ou pour quelques milliers de dollars bientôt rentrés dans la poche des marchands de tafia. C'est de cette manière que les Indiens Winebagos et les Pottawatamis vendirent par contrat à l'Union toutes les terres qu'ils occupaient au sud de Wisconsin, entre le Haut-Mississipi et le lac Michigan, en se réservant seulement un petit nombre de lots pour y établir leurs wigwams et recueillir les os de leurs pères. Les Winebagos toucheront annuellement pendant trente ans la somme de 18,000 dollars (93,000 francs), et les Pottawatamis jouissent d'un revenu également annuel de 15,000 dollars (79,5OO francs) tant qu'ils subsisteront en corps de nation. Il est probable qu'avant l'expiration du bail, ces malheureuses tribus seront complètement détruites, grâce aux dollars qu'elles échangent contre les denrées incendiaires qui les rongent. Comment s'étonner après cela qu'au réveil momentané de leur abrutissement, les Indiens, naturellement féroces, ne respirent que haine et vengeance contre les Américains ? Les dernières convulsions d'un mourant sont toujours les plus terribles. On rencontre souvent dans les rues de la Nouvelle-Orléans des troupes errantes de Séminoles et de Chérokees, des familles nomades tellement abruties, qu'elles sortent de leurs forêts pour venir jusqu'au milieu de leurs implacables bourreaux mendier l'eau de feu qui achèvent la conquête. Alors, ils se rangent en cercle sur les places publiques, les vieillards au centre, et commencent, à la face des Américains, qui battent des mains à leur prouesse, des orgies crapuleuses que nous n'essaierons pas de décrire. L'orgie dure tant qu'il y a du rhum dans la dame-jeanne; elle est accompagnée des chants de triomphe qui remontent aux massacres du Maryland; et ce souvenir d'un carnage qu'ils n'ont que trop bien vengé annonce beaucoup les habitants de la Louisiane, dont le cœur pardonne en faveur de la liqueur qui tue. La dame-jeanne vidée, les Cherokees tombent ivres-morts aux pieds de leurs hôtes, et on leur permet de cuver la boisson homicide dans les faubourgs de la Nouvelle-Orléans, à peu près comme nous avons quelquefois pitié d'un chien endormi qui digère à notre porte, au soleil. Tels sont les guerriers indiens, qui forcent aujourd'hui les généraux de l'Union à solliciter un congé du gouvernement pour cicatriser leurs blessures dans les eaux minérales.
Le bon sens ne manque pas aux Séminoles. Un de leurs chefs, député par la tribu auprès de la législation de la Louisiane, pour traiter de la vente d'une portion du territoire, se trouvait assis pendant la conférence sur un banc, à côté du gouverneur de la Nouvelle-Orléans. Durant l'entretien, il affectait de pousser le fonctionnaire à l'extrëmité du banc, sans pourtant joindre d'abord le moindre mot à cette pantomime. L'Américain sentit qu'il ne lui resterait bientôt plus de place pour se tenir assis et tout en ne perdant pas de vue l'objet de la conférence, il se plaignit au sauvage de son impolitesse. Le chef lui répondit avec sang-froid: 'Ceci est l'image de votre conduite politique. Vous avez commencé par nous voler nos terres sur les bords du golfe maintenant vous exigez notre territoire de l'intérieur, un temps viendra où vous nous chasserez vers le nord'.
La prédiction du Séminole nous paraît être sur le point de s'accomplir, et les événements ne démentent pas l'originalité de son langage.
LA PRESSE - 2 juillet 1836
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