■ Une condamnation à mort
Évreux, 1° juin - Pierre Motte, âgé de quarante-sept ans, ancien conducteur de voitures publiques, s'était marié à Montreuil-l'Argillé, canton de Bloglie. Il poursuivait de ses obsessions Marie Frasier, fille naturelle de sa femme, âgée de dix-huit ans. Souvent il la menaça, et la famille dut prendre des mesures pour soustraire la jeune fille à la recherche de Motte.
Dans la soirée du 12 décembre, Motte s'était trouvé réuni avec sa femme et sa belle-fille, chez les époux Moulin, à Montreuil. Motte paraissait sombre, et on remarqua plusieurs fois que, lorsque ses yeux se portaient sur sa belle-fille, ses regards étaient comme haineux et furieux, ce qui causa une certaine émotion aux convives.
Enfin les époux Moulin reconduisirent la femme Motte et sa fille chez elles. En arrivant ils engagèrent Motte à se mettre au lit, ce qu'il refusa de faire. Ils se retiraient, lorsque l'attitude singulière de Motte et une réponse qu'il fit à leur adresse les fit rentrer. Quelques paroles furent encore prononcées par Motte qui, en même temps, étendit le bras et frappa Marie Frasier d'un coup de couteau qui l’atteignit au sein gauche.
L'infortunée s'affaissa sur elle-même et tomba en disant :
— Je suis morte !
Motte fut arrêtée, et ne pouvant nier la matérialité des faits, il prétend qu'il n'avait pas prémédité son crime, et qu'il ne savait ce qu'il faisait.
Devant le jury de l'Eure, il persiste dans ce système.
En vertu d'un verdict sans circonstances atténuantes, la cour prononce contre Motte la peine de mort, et ordonne que l'exécution aura lieu sur une place publique d'Evreux.
Motte entend sa condamnation sans manifester aucune émotion, et est emmené par les gendarmes.
LA LANTERNE, 3 juin 1887
La presse du passé est passionnante !
Regorgeant d'anecdotes ou de faits-divers, parfois croustillante, souvent sordide, parfois amusante, elle nous permet de ressentir la manière de pensée de nos aïeux, de ceux qui ont vécu en cette commune, en ce territoire, de ceux qui l'ont fait vivre et que nous visitons.
La presse passée redonne vie aux simples citoyens, à ces gens qui n'auront jamais nom en livres d'histoire.
Il est plaisant d'y voir l'évolution des importances: en 1900, le commissaire fait une enquête pour un vol de jambon.
La violence est importante: violences ménagères ou non sont courantes, violences villageoises, banditisme ou non aussi ; les comptes se règlent à coups de poings, de bâtons ou autres armes.
Les cuites sont monnaie courante et pas exclusives de certaines régions: nombre de nos aïeux - ayant sans doute très soif, picolent sec !
Un prix spécial devrait être décerné à certains journalistes de cette presse ancienne: les coupures concernant les cuites et amendes en découlant sont parfois d'un humour extraordinaire.
Nous ne pouvons que vous conseiller de lire et acheter la Presse: vous la ferez vivre et imprimerez l'Histoire !