Chauffayer

Un peu d'histoire

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■ Tranche d'`histoire

L'Histoire des Hommes et de leurs terroirs fait ce que nous sommes aujourd'hui !


Chauffayer

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  • FrançaisChauffayer
  • OccitanChauffaier
    ( Occitan )
  • Population383
    GentiléAubessagnois
  • Superficie10,90 km²
  • Densité35.14 /km²
  • Latitude44° 45 '23" N°
    Longitude6° 0 '24" E°
  • Latitude44.756288°
    Longitude6.006796°


Rue Bric et Brac

⌘ Le canal des Herbeys à Chauffayer

Le passage que nous vous rapportons, daté de 1811, fut écrit par Pierre-Antoine Farnaud, collaborateur du célèbre préfet Ladoucette dont vous pouvez découvrir la statue sur le Cours Ladoucette à Gap.

Nous sommes en 1811, période napoléonienne, qui engrange les grandes réformes engagées par l'Ancien Régime et bien des nobles du pays, qui, population rurale dans sa grande majorité, était beaucoup plus proche des sujets du Roi, leurs voisins, que ce que l'Histoire Républicaine affirmera plus tard pour se légitimer. Bien des nobles s'engagèrent dans la modernisation de leurs terroirs ou de leurs terres ; le canal des Herbeys en est un exemple.

◎ Le projet de canal

La construction du canal des Herbeys fut envisagée en 1754 par Pierre du Port de Pontcharra, seigneur des Herbeys, de Saint-Jacques et d'Aubessagne, actuellement Chauffayer. Son projet, prodigieusement novateur pour l'époque, consistait à détourner l'eau du Drac pour irriguer le plateau d'Aubessagne. L'idée étant trop précoce pour l'époque, le projet échoua et resta en l'état.

Louis-François, son fils, relèvera le défi en le modifiant ; ce ne sera plus l'eau du Drac qui sera détournée mais l'eau de la Séveraisse. Elle sera prélevée au niveau de l'Ubac, un peu en amont de Saint-Jacques-en-Valgodemard, près du pont actuel, et débouchera au château des Herbeys, 28 kilomètres plus loin. Les travaux furent achevés en 1773 et apportèrent rapidement bénéfices comme le souligne si bien Pierre-Antoine FARNAUD, collaborateur du Préfet Ladoucette.

◎ Le plateau d'Aubessagne en 1772

En 1772, le plateau d'Aubessagne, actuellement en commune du même nom mais anciennement Chauffayer, situé à l'extrémité occidentale de la vallée du Valgodemar, offrait l'aspect d'une aridité repoussante: nul arbre n'ombrageait le terrain ; à peine quelques légères sources permettaient à l'habitant de se désaltérer. M. Desherbeys paraît, sans moyens pécuniaires, mais avec du crédit et de la réputation. Il conçoit le projet de dériver les eaux de la Séveraisse ; ses voisins y applaudissent mais y renoncent au moment de l'exécution.

Livré à une sorte d'isolement, capable d'effrayer une âme vulgaire, l'auteur du projet fait tête à l'orage, et deux ans après, les eaux parvenues d'abord dans ses propriétés, débouchent par six martelières dans les communes de Saint-Jacques et d'Aubessagne.

◎ Le canal

Ce canal a 28,000 mètres de longueur ; il traverse des lieux effrayants par leur aspérité ; sa largeur est de cinq mètres sur deux de profondeur. Sa berge inférieure est soutenue par des terrassements considérables, couverts d'arbres, et par de gros murs, sur une longueur de plus de six cents mètres. Des voûtes pratiquées en forme de ponts-aqueducs, au confluent des torrents qui se précipitent du haut des montagnes, leur donnent une issue au-dessous du canal.

◎ Dépenses et bénéfices

Les dépenses des premières années s'élevèrent à 75,000 francs, mais les travaux ne purent être complétés ; chaque année on ajoute à leur perfection.

Le canal Desherbeys arrose 1800 sétérées de terre, 30 hectares 16 ares, ses effets ont été prodigieux: chaque année les moissons et les fourrages surpassent les espérances du laboureur ; il n'est pas un mètre de terre en repos.

Avant le canal, chaque sétérée - surface ensemencée avec un setier de grain, soit au setier de Paris, 152 litres - se vendait environ 40 francs. Avec l'arrivée du canal et de l'irrigation, elle fut portée à 300 francs. Aujourd hui, le prix courant et moyen est de 800 francs, valeur de 1811.

Les dix-huit cents sétérées, avant le canal, avaient donc une valeur capitale de 72,000 francs. Cette valeur est actuellement de 1,440,000 francs, soit une différence de un million trois cent mille francs.

Quant aux bénéfices annuels, comment les calculer, puisqu'ils se composent non-seulement de productions territoriales, mais encore de profits journaliers d'industrie, ce qui les multiplie considérablement. Nous nous contenterons d'observer qu'avant le canal les soixante-douze mille francs, valeur capitale, employés en acquisitions de terres, dans la commune d'Aubessagne - ancienne Chauffayer, auraient à peine rapporté le 2% de revenu, ce qui aurait donné ci 1,800 francs. Tandis que les 1,440.000 francs seulement sur le pied de cinq pour cent, donnent 72,000 francs de revenus ; soit une différence en revenus de 70,200 francs.

L'agriculture offre donc aussi des mines bien riches à exploiter ! Une mise de fonds quelconque, employée à l'entreprise la plus avantageuse, eue rapporté, sans doute, moins de bénéfices proportionnellement que l'entreprise de M. Desherbeys !

Les contrées voisines ne purent rester indifférentes à de si beaux résultats. Celles des Costes et d'Aubessagne, après avoir plaidé pendant vingt-cinq ans, contre une commune rivale - Molines-en-Champsaur, viennent enfin, à l'aide de l'administration et sous ses auspices, de se procurer un canal qui ne le cède en rien à celui Desherbeys.

Pourquoi faut-il que nous ayons à rappeler ici l'abandon et les suites déplorables de l'entreprise du superbe canal de Saint-Bonnet, dont l'exemple a eu des suites si fâcheuses ; sur la rive gauche du Drac, six communes avaient conduit jusqu'au tiers de son cours un canal qui ne promettait pas moins d'avantages ; la frayeur inspirée par les débats survenus à Saint-Bonnet, fit suspendre les travaux: les dissidents s'en réjouirent ; il n'a plus été possible de les reprendre.

Ces exemples et plusieurs autres que nous pourrions citer, prouvent que tous les bénéfices que les Hautes-Alpes retireront un jour de l'ouverture des canaux d'irrigation, ne sont pas encore obtenus. Combien de territoires desséchés et improductifs qui n'attendent que des eaux fécondantes pour figurer au rang des contrées favorisées.

Pierre-Antoine FARNAUD - Préfecture des Hautes-Alpes, 1811