Briançon est une ancienne et forte-ville. Elle est chef-lieu de sous-préfecture et place de guerre de première classe. Briançon possède un tribunal de première instance. Sa population s'élève à 2,939 habitants.
L'origine de Briançon remonte à une haute antiquité. Strabon la nomme Brigantium Vicum, Ptolémée Brigantion, l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem Byrigantium. Pline attribue sa fondation à des Grecs chassés des bords du lac de Como ; d'autres auteurs l'ont fait élever par Bellovèse ou par Brennus. Cette ville était anciennement fortifiée, et Ammien-Marcellin la nomme Virgantia Castellum. Après la chute de l'empire d'Occident, les Briançonnais se constituèrent en république, et, protégés par leur situation, réussirent à défendre leur indépendance, et ne se donnèrent que volontairement aux dauphins viennois. Briançon portait sur ses armes la devise : Petite ville et grand renom. Elle fut en partie brûlée dans les guerres du calvinisme à la fin du XVI° siècle, et incendiée de nouveau en 1624 et en 1692; ce dernier incendie, en détruisant ses archives, nous a privés de l'histoire civile et militaire des Alpes cottiennes.
Cette ville est située sur un mamelon, au pied du col de Genèvre, à la jonction des vallées de la Guisanne et de la Clarée, et au point où les deux rivières de ce nom se réunissent et perdent leur nom pour prendre celui de la Durance. Elle est entourée d'une triple enceinte de murs et dominée par sept forts dont les feux se croisent. Le haut du mamelon est couronné par le fort Vieux. Plusieurs redoutes et lunettes battent la route d'Italie ; mais c'est sur le versant opposé de la Clarée que s'élèvent les principales fortifications, qui communiquent avec la ville par un pont d'une seule arche, d'une hardiesse peu commune, jeté sur le précipice au fond duquel mugit le torrent. On lit au milieu de ce pont l'inscription suivante :
- Du règne de Louis XlV° ce pont de 120 pieds d'ouverture d'arche, élevé de 168 pieds au-dessus de la rivière, a été construit par les ordres du maréchal d'Asfeld, général des armées du roi, chevalier de la Toison d'or, directeur-général des fortifications. L'an. 1734.
Une excellente route monte en zigzag du pont aux forts : ils communiquent entre eux par des routes aussi belles et par galeries souterraines. Le plus grand des forts porte le nom de Forteresse-des-Trois-Tètes, parce qu'il couronne un mamelon à triple sommité. De niveau avec les Trois-Têtes; est le Fort-Dauphin, situé plus vers la frontière. A 1OO m. au-dessus, et vers la Durance , s'élève la forteresse du Randouillet; celle du Donjon à 200 m. plus haut ; enfin, la lunette du Point-du-Jour domine toutes ces fortifications. Briançon est pour les Alpes françaises le principal arsenal, magasin et entrepôt; c'est le point central d'attaque et de défense, soit que, pour l'offensive, nos troupes débouchent sur ce point même ou sur la gauche, par le Mont-Cenis, le Saint-Bernard ou le Simplon ; par la droite, sur le col de Tende; soit que, pour la défensive, elles se portent sur le flanc des communications que l'ennemi se serait ménagées, ou qu'elles veuillent rendre plus difficile , d'un côté, le passage du Var ou des Hautes-Alpes, de l'autre celui du Rhône ou des montagnes de la Savoie. En 1815, l'autorité supérieure du département avait cru nécessaire de faire ouvrir à l'armée austro-sarde les portes de Briançon, de Mont-Dauphin et du fort Queyraz; la postérité redira qu'elles restèrent fermées aux étrangers par le courage patriotique des habitants.
Vue de la vallée de la Durance, Briançon offre un aspect très pittoresque ; elle forme un amphithéâtre dont la base est décorée de verdure et le premier étage de vastes bâtiments. La caserne se fait remarquer par sa grandeur et sa propreté. L'église s'élève sur une terrasse au bord de la ville ; c'est une jolie construction de style italien, dont le plan est régulier et la façade, à deux ordres de pilastres, couronnée de deux jolis clochers. Cette ville n'a qu'une belle rue très rapide qui la traverse du haut en bas, et où coule un ruisseau d'eau vive. Au milieu de cette rue est une place carrée qui sert de place d'armes et de marché. Le reste de la ville est assez triste, mais les environs sont on ne peut plus pittoresques. Chaque saison revêt les montagnes d'une décoration nouvelle ; leurs neiges, leurs glaces, leurs horribles crêtes contrastent avec le bassin riant et verdoyant de la Durance. En face de la ville s'élève la belle montagne du Poirelle, au sommet de laquelle est une petite chapelle nommée Notre-Dame-des-Neiges, située à près de 2,000 m. d'élévation. Le mont Infernet, dont les premières croupes portent les forts de Briançon, et dont la cime, couverte des débris d'une redoute construite en 1814, s'élève à 2,800 mètres, est aussi une station facilement accessible, fréquentée, et d'où le panorama environnant se montre vaste et plein de. grandeur; de là, la masse du Pelvoux se développe avantageusement aux regards, ainsi que tout le Val-des-Fées, qu'arrose le Clairet; cette vallée est la plus haute et la plus sauvage. Elle plonge entre deux remparts de monts glacés, dont l'un forme la frontière. A leur jonction s'élève la menaçante Aiguille-Noire ou de Névache, du nom d'un des villages de la vallée. L'élévation de Briançon au-dessus du niveau de la mer est de 1,306 mètres.
Près de Briançon sont plusieurs maisons de campagne fort agréables. On doit visiter, au bas de la rampe par laquelle on monte à cette ville, la belle propriété créée par M. Delpin, traversée par la Durance, par le canal de la Guisanne et par la rivière de Cervières; cette dernière a été amenée sur une montagne où elle se divise en deux parties, dont l'une se précipite de 100 pieds de haut dans un bassin où elle tombe en pluie, et l'autre glisse sur la pierre qu'elle a polie. Le limon fourni par la Cervières a été porté peu à peu sur les rochers voisins, que M. Delpin a plantés; il y a formé comme de petites digues qui retiennent les terres et les feuilles, et il y fait circuler de petits ruisseaux qui y entretiennent l'humidité et y donnent leur contingent de limon. Tout ce travail a été l'ouvrage de 15 ans; là où l'on ne voyait qu'une montagne desséchée et une carrière abandonnée, s'élève maintenant une très belle forêt peuplée d'arbres indigènes et exotiques. Celle forêt, ces ruisseaux, ces canaux, ces cascades; les jardins, les serres, les rocs qui semblent taillés à pic; les forts de Briançon, qui couronnent des rochers; la riante vallée que la Durance arrose, tout contribue à rendre cette propriété une des plus remarquables qu'il soit possible de rencontrer.
Briançon compte des fabriques de bonneterie, colonnades, faux, faucilles, peignes pour le chanvre, clous, crayons, des filatures de coton, tanneries, fonderies de cuivre et de cloches, commerces de mines de plomb, craie de Briançon, crayons, mulets, mules, juments et moutons que l'on élève dans l'arrondissement; de térébenthine, graine de mélèze, eau de lavande, de manne, suc résineux qui se forme par transsudation sur l'écorce et les feuilles du mélèze, et que l'on récolte dans les environs.
La ville se situe à 23 lieues de Gap et 171 lieues de Paris.
Parmi ses édifices, on remarque la cathédrale, bel édifice gothique, propre et bien orné. Une des chapelles renferme le mausolée du connétable de Lesdiguières, en marbre noir du Champ-Saur, orné de bas-reliefs en albâtre de Boscodon, qui retracent les principaux exploits de ce guerrier. Il est représenté avec son armure, couché et appuyé sur le coude; ses traits ont quelque ressemblance avec ceux de Henri IV°: on rapporte qu'il tint en charte privée Jacob Richier, son sculpteur, jusqu'à ce qu'il eût fini ce bel ouvrage. Ce monument, apporté en 179S du château de Lesdiguières où il était depuis 1626, devait, en 1809, être transporté au musée du département, avec les gantelets du connétable, sa lance et son casque, où l'on voit l'empreinte d'une balle. On avait réuni pour cet établissement des modèles en plâtre des plus belles statues du musée de Paris, choisis par Visconti, et auxquels le comte d'Hauterive avait joint en cadeau la Vénus de Médicis; les modèles des monuments des Hautes-Alpes, exécutés en albâtre et en pierre ollaire du pays ; un grand nombre d'antiquités provenant des fouilles de Mont-Seleucus, ou envoyées des trois arrondissements ; des instruments de physique et de chimie, des livres, des cahiers de gravures ; les minéraux, l'herbier, les oiseaux, quelques quadrupèdes des Hautes-Alpes, etc. Ce musée est maintenant un séminaire...
Le palais de justice, l'hôtel-de-ville, la préfecture et l'évêché, les casernes, sont d'assez beaux édifices. La ville possède aussi une petite salle de spectacle, et une belle citerne pouvant contenir 20,000 hectolitres d'eau, destinée au service des pompes en cas d'incendie.
Briançon compte des fabriques de toiles, de draps communs, de tissus de soie et de laine, d'outils aratoires, une fabrique de martinets, tanneries, mégisseries et chamoiseries. La ville de Briançon est active dans le commerce des grains, des fruits, des bestiaux, des cuirs, de la laine, etc...
La ville de Briançon est à 26 lieues de Grenoble, à 10 lieues et demie de Digne et à 171 lieues de Paris.